EXPÉDITION 2024
POUR UNE AGRICULTURE BAS CARBONE, RÉSILIENTE ET PROSPÈRE
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Le secteur agricole français est à bout de souffle, aussi bien d’un point de vue physique (aléas climatiques à répétition, détérioration des sols…) qu’économique et social (agriculteurs usés par les difficultés croissantes). Face à ce défi, The Shift Project propose son analyse de la situation, identifie des leviers de transformation, et trace des voies possibles pour concilier réduction de l’empreinte environnementale, résilience des systèmes agricoles et viabilité économique des exploitations.
Un système agricole fortement contraint par des limites énergétiques, climatiques et écosystémiques
L’activité agricole s’inscrit dans un système fortement émetteur de GES. Représentant 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, l’agriculture doit se décarboner. Elle est excessivement tributaire des énergies fossiles pour fonctionner, est très dépendante aux importations d’intrants : des engrais dont la production est très émettrice, de produits phytosanitaires ayant des effets délétères sur la santé et la biodiversité et des protéines pour l’alimentation animale. Fondés sur les contextes pédoclimatiques, les systèmes de production agricole, élevage et cultures, présentent une très grande vulnérabilité au changement climatique, qui exacerbe aussi les problématiques de gestion de l’eau et de préservation des sols, ressources stratégiques. La transformation du secteur vise donc à améliorer sa résilience et la souveraineté agricole nationale, et préserver ainsi sa capacité à nourrir la population, tout en assurant la viabilité économique des exploitations.
Si le secteur agricole est aussi l’un des rares secteurs à pouvoir stocker naturellement du carbone, il doit aussi contribuer aux objectifs nationaux d’atténuation et anticiper les évolutions des autres secteurs. Par ailleurs, la biomasse agricole est pour partie en concurrence entre plusieurs usages et ne sera pas suffisante pour répondre à la demande.
Tous les leviers physiques de transformation doivent être déployés : une reconfiguration profonde du secteur est indispensable
La transformation ne pourra s’appuyer uniquement sur des leviers d’optimisation, mais devra passer par des évolutions conséquentes des systèmes. Il importe en outre de mobiliser les leviers les plus efficaces et dont les impacts sont les plus sûrs, tout en évitant des choix délétères : décarboner et faire évoluer les pratiques de fertilisation, réduire les émissions et accroître la résilience des systèmes d’élevage, réduire la demande énergétique et décarboner l’énergie utilisée, préserver la biodiversité, augmenter le stockage de carbone par l’agriculture, assurer la circularité des systèmes agricoles et le rebouclage des cycles biogéochimiques, et repenser les flux logistiques pour plus de résilience.
Transformer le système agricole d’ici 2050 implique de choisir entre plusieurs scénarios possibles, et planifier
Ce projet a imaginé des projections possibles de transformation du système agricole en explorant la priorisation 1/ d’une meilleure autonomie agricole et alimentaire nationale, 2/ d’une moindre dépendance énergétique nationale, et 3/ du maintien de capacités exportatrices. Cet exercice a mis en évidence un besoin de pragmatisme et de compromis, d’où la construction d’un 4ème scénario dit “de conciliation”, fondé sur le respect d’objectifs climatiques et énergétiques, et surtout de résilience, proposant un arbitrage possible entre les différentes priorités stratégiques.
Ce scénario, s’il n’épuise pas la réflexion, montre surtout qu’il est urgent de faire un choix de société dès aujourd’hui et décider quelle agriculture nous souhaitons en 2050, pour initier les changements dès maintenant, permettre aux parties prenantes d’inscrire leurs choix dans une trajectoire fiable, et accompagner les acteurs qui auront le plus d’efforts à fournir.
Comment engager cette transition ? Des recommandations
1- Au niveau national : clarifier le cap et accompagner les acteurs
2- Garantir la sécurité économique des agriculteurs
3- Anticiper les besoins en compétences, recherche et connaissances
4- Mobiliser les acteurs territoriaux (filières, collectivités)
5- Pour les agriculteurs, s’engager en agroécologie
Un projet collaboratif qui invite au débat
Fruit de 14 mois de travail, ce projet a exploré des perspectives pour le secteur agricole à horizon 2050. Pour cela, l’équipe s’est appuyée sur un conseil scientifique et un collège d’agriculteurs, et s’est attachée à écouter les points de vue de toutes les parties prenantes. Plus de 150 organisations ont participé à la concertation menée (organisations professionnelles, instituts techniques, associations, etc.), sans compter les nombreux agriculteurs et professionnels du secteur. Au total, près de 300 personnes ont contribué à ces travaux.
Ce projet, limité à ce stade au secteur agricole, sera élargi au périmètre de l’alimentation dans les prochains mois.
La Grande Consultation des Agriculteurs
Afin de s’assurer de faire écho aux réalités vécues par les agriculteurs partout en France, le Shift et les Shifters, réseau des bénévoles du Shift, ont aussi mené une Grande Consultation des Agriculteurs (GCA) qui a réuni plus de 7700 réponses, dont le rapport “Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère” s’est nourri. Les résultats de cette consultation seront présentés lors d’un événement dédié. Consulter le programme
Suite à la publication de ce rapport, The Shift Project amorce une phase de diffusion importante de ces travaux pour les présenter à tous les acteurs intéressés, et commencera également un second chapitre sur le volet “Alimentation” dans quelques mois pour compléter l’approche “de la ferme à la fourchette”.
Comité de rédaction
Ce rapport final est le fruit d’un travail collectif :
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Céline Corpel, Cheffe de projet Agriculture, The Shift Project
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Corentin Biardeau-Noyers, Ingénieur projet Agriculture, The Shift Project
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Corentin Leroux, Pilote du Groupe de travail « Technologies agricoles », Aspexit
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Laure Le Quéré, Ingénieur projet experte, The Shift Project
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Thomas Robert, Chargé de projet Agriculture, The Shift Project
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Vinciane Martin, Copilote du Groupe de travail « Emploi et formation agricole », The Shift Project
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Clémence Morant, Copilote du Groupe de travail « Emploi et formation agricole », The Shifters
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Marie Garcia Couillaud, Copilote du Groupe de travail « Emploi et formation agricole », The Shifters
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Florence Haynes, Copilote du Groupe de travail « Emploi et formation agricole », The Shifters
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Clémence Vorreux, Coordinatrice Agriculture, The Shift Project
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Ce projet a aussi reçu l’appui d’Emma Stokking, de Corentin Grange, de Lila Wolgust et de Mona Poulain pour la communication.
Remerciements
L’équipe Agriculture du Shift Project souhaite remercier les très nombreux contributeurs et contributrices ayant pris part au travail réalisé, pour la qualité des échanges, leur participation aux différents groupes de travail à l’œuvre, ou par leur relectures attentives.
The Shift Project remercie les partenaires du projet “Pour une agriculture bas carbone, résiliente et prospère” pour leur soutien technique et financier.
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De la valeur de l'IA ? Quel(s) ROI(s) ? Quoi, Comment, Quand ?
Eneric Lopez
AI National Initiative & Social Impact Director at Microsoft
novembre 2024
Depuis deux ans, l’IA générative est au cœur de la transformation numérique, avec un engouement palpable, particulièrement chez les grandes entreprises qui ont déjà commencé à investir. Certaines d’entre elles, en dépit des premiers cas d’usages mis en œuvre commencent à se demander si elles atteignent véritablement le retour sur investissement attendu.
D’après une étude de BCG, cette dynamique peut rapidement mener à une phase de désillusion si la valeur ajoutée au P&L ne se matérialise pas. Le Gartner va même jusqu'à prédire que 30% des projets d'IA génératives pourraient être abandonnés en 2025 si (entre autres) la valeur métier n'était pas claire.
Alors, comment passer des cas d’usages au Business Case pour atteindre un ROI?
De leur côté, les plus petites organisations hésitent encore, notamment par manque de formation et de cas d’usages identifiés (cf étude BPIFrance Le Lab). En d’autres termes, derrière le besoin de trouver des cas d'usages, elles se posent la première question qui leur permettra de démarrer : « Quelle est la valeur de l’IA pour mon organisation ? »
C’est pourquoi, afin d’apporter des réponses et un éclairage sur quelques clés du succès, je vous propose d’aborder la valeur de l’IA générative à travers plusieurs « ROIs » : Return on Inclusiveness, Return on Individuals, Return on Industrialization, et Return on Impact.
Comme vous le découvrirez, cette proposition s’appuie à la fois sur des constats, des retours d’expérience terrain et des études, offrant une démarche accompagnée de clés de réussite. Je partage ici le fruit de nombreux échanges et observations réalisés auprès de diverses organisations.
Return On Inclusiveness : Pourquoi & Comment impliquer les collaborateurs ?
La première étape pour tirer parti de l’IA générative consiste à identifier des cas d’usages concrets. Répondre à la question « que peut faire l’IA générative pour moi ? » n’est pas vraiment la bonne question initiale, ce serait plutôt « Quelles sont mes problématiques métier que j'aimerais adresser ? »
En effet, un des écueils fréquemment observés dans l’adoption de l’IA générative est une approche trop techno centrée, où l’on considère l'outil technologique comme si, avec un nouveau marteau en main, tout devait ressembler à un clou. Cette vision peut pousser les entreprises à chercher des endroits où appliquer l’IA générative sans partir des besoins métiers réels, les faisant passer à côté de la vraie valeur attendue côté métiers et/ou à côté d’une adoption réussie.
Au lieu de cela, il est essentiel d’adopter une perspective orientée sur les problématiques métiers et la valeur à apporter. Cela signifie se demander : quel est le « caillou dans la chaussure » de mes « utilisateurs » (employés, clients, usagers…) ? Pour y répondre, il est crucial de se rapprocher des opérationnels, ceux qui ressentent directement les difficultés au quotidien.
Pour mieux identifier ces besoins, il conviendrait de sélectionner et d’impliquer des « ambassadeurs » ou des « futurs champions » de l’IA issus de diverses entités. On peut également adopter une démarche ouverte à tous les volontaires, offrant ainsi une opportunité à ceux qui souhaitent se lancer. Ne pas hésiter à aller chercher des « personae » qui sont au plus proches du terrain, représentatifs de certains rôles/métiers.
Les projets d’IA qui incluent les utilisateurs finaux dès le début ont plus de chances de réussir, car ils répondent aux défis spécifiques des équipes sur le terrain. Une approche plus "bottom up" que "Top down" dans l'identification des cas d'usages est donc à privilégier.
En impliquant les collaborateurs dès le départ, on se garantit un véritable Return On Inclusiveness, car cela permet non seulement de s’assurer que l’IA répond aux besoins réels, mais aussi de lutter contre deux phénomènes fréquents : le FOMO (Fear Of Missing Out), qui peut pousser les entreprises à adopter la technologie précipitamment, avec une approche parfois trop « top down » et déconnectée, et le FOBO (Fear Of Being Obsolete) des individus, qui suscite des craintes chez les collaborateurs quant à l’obsolescence de leurs métiers fasse à l’IA.
Pour ce faire, la sensibilisation de l’ensemble des collaborateurs est une étape cruciale pour dissiper les peurs, démystifier l’IA et donner à chacun les moyens de devenir acteur de la transformation. Cette sensibilisation doit donner les clés à chacun pour être des acteurs « éclairés » sur l’IA Générative. Comprendre ce qu'est l'IA et l'IA générative, ce que cela n’est pas (ni véritablement intelligent, ni réellement artificiel d'ailleurs), ce que cela peut faire, les enjeux autour des data, de l’éthique, de la confiance, mais également les bases pour l'utiliser (les clés du prompt par ex.) sont quelques fondamentaux à inclure.
Je ne peux que vous inviter à aller faire un tour sur notre Hub (le AI Skills Navigator) pour retrouver ce type de contenus et également à travailler avec des acteurs de la formation. Un contenu bien fait, même « light » vaut mieux qu’une longue formation de plusieurs heures.
Mettre en place des dispositifs qui passent à l'échelle et compléter la sensibilisation avec de la prise en main est une bonne pratique.
Si le framework de conduite du changement Prosci propose de commencer par cette phase d’Awareness (Sensibilisation), il préconise de la faire suivre par une phase dite « Desire », qui consiste à susciter l’envie et à identifier les problématiques que l’IA générative pourrait résoudre. C’est là que vous pourrez identifier les fameux « cas d’usages » pour s'attaquer aux « cailloux dans la chaussure » de vos usagers/collaborateurs et leur apporter la valeur métier attendue.
A l'issue de la sensibilisation, des initiatives telles que des sessions d’idéations, de hackathons ou des « prompt challenges » peuvent soutenir cette démarche d'identification des cas d'usages dans l'expression des "désirs". Les entreprises qui impliquent activement leurs employés dans l’identification des cas d’usages rencontrent moins de résistance et bénéficient d’un meilleur engagement. En intégrant les collaborateurs dès le départ, ils deviennent des acteurs de la transformation, renforçant ainsi leur adhésion et générant des cas d’usages concrets et directement applicables.
C’est notre quotidien chez Microsoft, et dans notre écosystèmes que de mener ce type de sessions au sein de nos Innovation Hub, nos AI Labs en régions en mobilisant notre écosystème. C’est d’ailleurs tout le sens et l’objectif de notre initiative A Vous l’IA que de sensibiliser, former 1 Million de Français à l'IA et accompagner des centaines d'entreprises à trouver leurs cas d’usages.
Return On Individuals : De la valeur dans chaque cas d’usage mais dans quelle mesure ?
Après avoir inclus les collaborateurs et identifié des cas d’usages concrets, il est essentiel de se pencher sur la valeur que l’on souhaite créée et de lui associer des indicateurs. La valeur souhaitée doit relever du « Désir » exprimé par les opérationnels d’améliorer un élément de leur quotidien, dans les actions inhérentes à leur métier et plus particulièrement en s’attachant à un processus en allant parfois au niveau de la tâche même.
Il peut être essentiel pour la définir de ne pas rester sur des valeurs génériques (ex : améliorer l’efficacité) et les exemples d’indicateurs ci-dessous peuvent aider. On peut vouloir combiner des indicateurs quantitatifs et qualitatifs pour évaluer correctement l’impact de l’IA générative. Parmi ces indicateurs, trois se démarquent : vitesse, qualité, et profondeur.
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Vitesse : L’IA générative permet de gagner du temps en automatisant des tâches répétitives. Dans le marketing, elle peut générer des ébauches de contenu en quelques secondes, libérant ainsi les équipes pour des activités plus stratégiques. Dans les achats, elle peut trier rapidement les réponses à un appel d’offres, ce qui permet de gagner du temps lors de l’évaluation initiale des fournisseurs. Enfin, dans le service client, elle peut répondre aux questions de niveau 1 en temps réel, permettant aux agents de se concentrer sur des demandes plus complexes. Selon une des premières études sur l'IA génératives en entreprise menée par Stanford, l’IA a montré une amélioration de la productivité de 14 % dans les centres d’appels, avec des gains allant jusqu’à 35 % pour les agents débutants.
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Qualité : L’IA peut aider les développeurs à améliorer la qualité de leur code en automatisant les revues de code et en proposant des corrections optimisées. Cela réduit les erreurs et améliore la fiabilité des applications. Selon une étude de GitHub, les développeurs utilisant des outils d’IA générative rapportent une diminution des bugs et une meilleure cohérence dans leur code, ce qui se traduit par une augmentation de la qualité du développement logiciel. De plus, dans le domaine juridique, l’IA peut analyser des documents complexes pour repérer des incohérences et assurer la conformité des dossiers. Enfin, dans le secteur de la finance, l’IA peut identifier des erreurs ou des anomalies dans les transactions, contribuant ainsi à renforcer la précision et la qualité des processus financiers.
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Profondeur et personnalisation : Enfin, l’IA générative permet d’accéder rapidement à des connaissances spécifiques et d’offrir des réponses personnalisées. Par exemple, dans le domaine juridique, elle peut fournir des résumés sur des questions de droit, facilitant l’accès à l’information pour des collaborateurs non-experts. En éducation, elle permet de répondre aux questions des étudiants de manière personnalisée, favorisant ainsi une meilleure compréhension des sujets. Dans le domaine de la recherche, elle peut permettre aux chercheurs d'accéder à des informations issues des dernières publications. (cf lnstitut Curie) Dans les interactions avec les clients, l’IA générative aide à adapter les réponses en fonction des besoins individuels, améliorant ainsi l’expérience client. McKinsey a constaté que l’IA favorise l’accès à des informations spécialisées, ce qui soutient la montée en compétences et l’autonomie des employés.
3 indicateurs de valeur de la GenAI
Ces indicateurs sont des éléments « micros » qui permettent d’évaluer plus finement la valeur métier que l’IA générative peut apporter. Que ce soit de façon plus "macro" pour améliorer la satisfaction client, optimiser un service opérationnel, ou enrichir l’expérience utilisateur, ils offrent une meilleure mesure des bénéfices concrets et immédiats dans les différents domaines d’application. On peut inclure ces indicateurs dès la phase « d’idéation » et de remontée des cas d’usages pour avoir des critères de priorisation. Ils sont en tout cas clés pour mesurer et piloter les apports aux individus : le Return On Individuals.
Vous aurez à nouveau noté que sur les cas d’usage l’indicateur n’est pas directement le ROI que l’on connaît habituellement. Non seulement parce qu’avoir une approche purement et uniquement financière biaise la conversation de « valeur », parce que parfois à la première expression du cas d’usage il est difficile de le quantifier, mais surtout parce qu’il nous faut passer par une dernière étape… Notez toutefois que l'on peut déjà commencer à chiffrer/estimer le ROI à cette phase mais la transformation en Business Case ne viendra qu'après la phase d'industrialisation.
Vous l'aurez compris je souhaite mettre en avant la valeur apporter par l'IA comme clé de voute du choix des cas d'usages. Bien entendu, d'autres éléments sont à prendre en compte pour les prioriser à l'issue de la phase d'identification :faisabilité, technologie sur étagère ou à développer, disponibilité de la data, QuickWin vs cas complexe etc... Je suis certain que vous trouverez vos propres axes et critères, sinon je vous invite à regarder cet article qui vous en propose.
Return on Industrialization : De la sédimentation de la valeur comme gisement pour l’organisation…
La phase suivante est celle de la consolidation qui consiste à intégrer l’IA générative dans les processus existants pour en faire une pratique standardisée. Par exemple, dans un centre d’appel, il est important de réorganiser les processus pour que l’IA devienne un soutien naturel au travail des agents. Cela peut nécessiter une réorganisation des processus entre les niveaux de support pour prendre en compte les gains opérationnels, mais aussi l’usage de l’IA dans le fonctionnement global du centre d’appel. La généralisation de cette valeur au sein du processus concerné pourra avoir une dimension technologique (généralisation, standardisation de l'usage de l'IA Générative, voire création d'agents IA au service des acteurs du processus) mais nécessitera la refonte du process lui même.
Dans son étude "Turning GenAI Magic into Business Impact" le BCG parle de cette phase de "reshape" après la phase « Deploy » (de déploiement des cas d’usages).
Du côté conduite du changement, si l'on se réfère aux phases suivantes du référentiel Prosci et de son modèle ADKAR (Awareness, Desire, Knowledge, Ability, Reinforcement), je souhaite attirer votre attention sur la partie "Knowledge".
Deuxième volet du fameux triptyque « Process / People / Tools », le passage à l’échelle de cette transformation outillée par l’IA générative doit forcément inclure un volet People. Dans ce contexte, il est essentiel de former les collaborateurs pour les équiper avec les compétences nécessaires pour utiliser l’IA de manière optimale, mais cela peut également impliquer de nouvelles formations pour s’assurer qu’ils sont à l’aise avec les nouvelles tâches et processus. Si l’arrivée de l’IA générative implique de nouvelles « hard skills » pour maîtriser l’IA, de nouvelles formations sur ses opérations et son métier, cela peut amener le management à vouloir investir encore plus dans le renforcement des compétences transversales, comme la gestion des situations complexes ou l’intelligence émotionnelle, dans notre cas de centre d’appel. Ainsi, l’IA pourrait également être une opportunité de remettre plus d’humain au cœur des métiers: l'IA pour amplifier notre ingéniosité !
L’industrialisation, au-delà d’une multiplicité de cas d’usages, doit être conduite par une stratégie plus holistique de la DATA et de l’IA, permettant d’embarquer l’ensemble de l’organisation, et de toucher toutes les structures et métiers. La planification à 3 horizons, la feuille de route stratégique, et la formalisation de « business cases » sont des outils et des étapes suivantes.
Passer à l’industrialisation de l’IA requiert également une évolution de la culture d’entreprise. Forcément « data-driven », elle doit valoriser l’empowerment et l’inclusivité pour mettre l’IA au service de chacun, tout en intégrant les principes d’IA responsable comme troisième pilier et fondation de cette culture. Enfin, il sera important de revoir l’organisation de l’entreprise pour éliminer les goulots d’étranglement au niveau des ressources IA.
Si certaines organisations déjà bien matures en ont créé, le rôle des centres d’excellence IA ou des AI Factories sera alors de définir et de mettre en place des socles communs : technologiques, principes de gouvernance, outils d’IA responsable et socles de compétences et de formation nécessaires, soutenant ainsi la transversalité en diffusant l’IA dans toutes les business units. En adoptant une approche horizontale, où chaque unité peut utiliser l’IA pour soutenir ses objectifs stratégiques, l’IA deviendra une composante essentielle de chaque fonction, permettant à l’organisation de tirer pleinement parti de cette technologie.
Notez que la dimension "organisation" est aussi clé, dès le départ, dans la partie identification et réalisation des cas d'usages. En effet, il sera là important de pouvoir mobiliser une sorte de "triade" organisationnelle mêlant fonction métiers, responsables IT et "expert Data".
On le voit donc, une grande part de l’industrialisation pour la réalisation de la valeur réelle passe par l’adoption/la formation des individus et la transformation des modèles organisationnel voire de la culture. C’est tout sauf de la technologie et cela nécessite d’y mettre les efforts et le temps nécessaire à la consolidation. L’étude toute récente du BCG : The Stairway to GenAI impact l’illustre également.
Clés pour le passage à l'industrialisation
Responsibility Of Investment vs Return On Impact
Au-delà des gains financiers et organisationnels, l’IA générative soulève des questions cruciales quant à son impact, touchant à des enjeux sociétaux et environnementaux. Il ne suffit pas seulement d’améliorer la productivité ou la qualité des services, il est aussi important de réfléchir aux impacts plus larges de l’IA. Cela peut impliquer d'inclure des critères d’impact social et de responsabilité environnementale dès la phase de sélection des cas d’usages.
Il est essentiel de se poser des questions aussi simples que : « A-t-on vraiment besoin de l’IA générative pour cela ? » Parfois, la tentation d’utiliser l’IA comme solution systématique peut amener à surinvestir dans des domaines où des approches plus légères suffiraient (rappel de la métaphore du marteau et du clou). D'autres questionnement sur l'impact environnemental, l'inclusivité de la solution, le respect des principes d'IA Responsable de l'organisation (en complément de la conformité au cadre règlementaire), sont aussi aussi à considérer.
En tout état de cause, incorporer un cadre de responsabilité dans l’investissement dans l’IA permet d’aligner les objectifs financiers avec des engagements sociétaux. Les entreprises peuvent, par exemple, évaluer les projets en fonction de leur impact positif sur l’inclusion sociale, leur potentiel à réduire l’empreinte carbone, ou leur alignement avec des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance). En complément de la recherche de ROI traditionnel, intégrer des critères d’impact permet aux entreprises de s’assurer que l’IA génère des bénéfices durables et responsables. Il est possible de mener cette démarche de façon plus ou moins poussée et outillée. Vous trouverez dans cette étude un exemple très complet de cadre pour intégrer les critères ESG dans vos réflexions sur l'IA.
Conclusion
Nous l’avons vu, la valeur de l'IA générative doit se considérer avec une approche de "ROI global"qui, même si les premiers retours peuvent être rapides et mesurables, se construit progressivement, en consolidant plusieurs dimensions clés. Chaque étape – l'inclusion des collaborateurs, la définition et la mesure de la valeur, puis l'industrialisation des processus – joue un rôle essentiel dans la formation d'un tout cohérent. Ce retour sur investissement ne résulte pas simplement d'une addition de gains, mais bien d'une dynamique de consolidation et de sédimentation des différents efforts. Ainsi, le ROI global pourrait être formulé comme suit :
Proposition de formule de ROIs
Cette équation illustre que le ROI ne se construit pas de façon linéaire. Il évolue et se sédimente progressivement, avec chaque dimension – humaine, organisationnelle, et stratégique – contribuant à un impact durable. Le facteur d'impact environnemental et sociétal (f) venant ensuite amplifier ou pondérer ce retour, rappelant que l'IA ne peut se déployer pleinement sans tenir compte de ses effets à long terme.
Autrement dit, le ROI global est le fruit d'une approche évolutive, qui valorise la participation des collaborateurs, la transformation des processus, et la prise en compte des enjeux sociétaux. C’est cette synergie qui permet de tirer pleinement parti de l’IA générative tout en respectant des engagements éthiques et responsables.
Au cœur de la réalisation de ce ROI, vous aurez noté la dimension incontournable de la formation, dès les toutes premières phases, et la nécessité de mêler approche à la fois inclusive, au niveau de l’individu mais aussi vision et transformation plus globale au niveau de la stratégie, de la culture et de l'organisation.
Je vous invite à réfléchir à ma proposition d'approche intégrée et à partager vos bonnes pratiques. Comment voyez vous le(s) ROI(s) se sédimenter dans votre organisation ? Quelles dimensions sont les plus importantes pour vous ?
24 octobre 2024
Par Nicolas de Bellefonds, Tauseef Charanya, Marc Roman Franke, Jessica Apotheker, Patrick Forth, Michael Grebe, Amanda Luther, Romain de Laubier, Vladimir Lukic, Mary Martin, Clemens Nopp et Joe Sassine
Après tout le battage médiatique sur l'intelligence artificielle (IA), la valeur est difficile à trouver. Les PDG ont autorisé des investissements, embauchés des talents et lancé des projets pilotes, mais seulement 22 % des entreprises ont avancé au-delà de la phase de validation de concept pour générer une valeur d'une certaine valeur, et seulement 4 % créent une valeur substantielle, selon les nouvelles recherches du BCG.
Notre nouveau rapport donne des informations importantes sur ce que font les dirigeants de l'IA pour générer de la valeur réelle de la technologie, où les autres sont à court, d'où viennent la valeur, comment les différents secteurs fonctionnent, et comment les entreprises peuvent changer leurs propres trajectoires d'IA.
Télécharger le rapport ...
https://www.bcg.com/publications/2024/wheres-value-in-ai
Où est la valeur ?
Les dirigeants s'attendent à générer une valeur significative - 45 % de réduction des coûts et 60 % de croissance des revenus de plus que les autres entreprises. Ils attendent de leur RoI des initiatives d'IA en 2024 qu'ils doublent plus que ce que d'autres entreprises attendent des leurs.
Où est la valeur de l'IA ?
Les grandes industries de 2040 selon McKinsey
23 octobre 2024
Par Chris Bradley, Michael Chui, Kevin Russell, Kweilin Ellingrud, Michael Birshan, et Suhayl
Les arènes sont des industries qui transforment le paysage des entreprises. Dix-huit arènes futures pourraient remodeler l’économie mondiale et générer des revenus de 29 à 48 000 milliards de dollars d’ici 2040.
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Les arènes sont une catégorie unique d'industries définies par deux caractéristiques: la forte croissance et le dynamisme. Ils captent une part démesuré de la croissance de l'économie, et les parts de marché des acteurs en leur sein changent à un degré de taille supérieure.
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Nous avons identifié 18 arènes potentielles de l'avenir qui pourraient remodeler l'économie mondiale, générant 29 000 milliards de dollars de revenus à 48 000 milliards de dollars d'ici 2040. Ces domaines vont des logiciels et services d'IA à la cybersécurité, de la mobilité aérienne future aux médicaments contre l'obésité et les conditions connexes, et de la robotique à la biotechnologie non médicale. Ces arènes futures pourraient générer 2 000 milliards de dollars à 6 000 milliards de dollars de bénéfices d'ici 2040. Leur part collective du PIB mondial pourrait augmenter de 4 % aujourd'hui à 10 à 16 % d'ici 2040.
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Douze arènes d'aujourd'hui ont montré une croissance et un dynamisme dépassés entre 2005 et 2020. Ces industries comprennent le commerce électronique, la biopharmaceutique, les véhicules électriques, l'Internet grand public et les services en nuage. Ils avaient un TCAC de 10 % et une capitalisation boursière de 16 %, et ils ont triplé leur part de PIB mondial de 3 à 9 % au cours de la période. En revanche, les non-arénas n'avaient qu'un TCAC de 4 % et un TCAC de cul de la valeur de marché de 6% sur la même période.
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Les nombreuses différences frappantes entre les 12 arènes d'aujourd'hui et celles des non-arènes nous permettent de comprendre les arènes de l'avenir. Les arènes réalisent des profits beaucoup plus importants que les autres industries, elles engendrent un nombre disproportionné de géants mondiaux, et elles offrent des opportunités exceptionnellement fortes pour les nouveaux entrants de devenir des puissances.
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Trois ingrédients combinés dans une « potion de création d'arène » ont tendance à générer le mode de concurrence qui caractérise les arènes. Les éléments révélateurs d'une arène de formation sont le modèle d'entreprise ou les changements d'étape technologique, les investissements dans l'escalade et un marché important et/ou plus important et/ou pouvant être abordé. La présence de ces éléments peut conduire à une escalade de la concurrence entre les acteurs, qui réalisent d'importants investissements pour gagner non seulement des parts de marché, mais aussi un avantage de la qualité des produits, aggravant les avantages et les distinguant davantage des autres entreprises dans une course au sommet.
Ce rapport du McKinsey Global Institute identifie 18 futures arènes qui pourraient remodeler l'économie mondiale d'ici 2040. Pour ce faire, nous analysons d'abord un ensemble de données des 3 000 plus grandes entreprises du monde de 2005 à 2020 et nous reprenons 12 arènes d'aujourd'hui, y compris les produits biopharmaceutiques, les services en nuage, le commerce électronique et les véhicules électriques (voir la pièce 1). Arenas d'aujourd'hui fait référence aux arènes qui se sont formées au cours des deux dernières décennies. Nous avons utilisé la période 2005 2020 comme intervalle d'analyse pour délimiter une décennie propre et garantir la cohérence et des données bien établies.
Pièce justificative 1
Nous avons trouvé des différences frappantes entre les arènes et les non-arènes. Par exemple, les arènes d'aujourd'hui ont généré 9 % du bénéfice économique total de notre échantillon en 2005. En 2019, ils représentaient 49 % des bénéfices économiques. Ces arènes sont le lieu d'évolution majeure de l'investissement, de la R-D, de la création de valeur et de l'essor des entreprises mondiales.
Nous avons également identifié une potion de création d'arène en observant l'évolution de nos arènes d'aujourd'hui, nous donnant une compréhension plus profonde de l'émergence de l'arène. Les éléments distinctifs d'une arène de formation sont un modèle d'entreprise ou un changement d'étape technologique, des incitations pour l'escalade des investissements - qui améliorent la qualité et ont souvent des rendements croissants à l'échelle - et un marché adressable de plus en plus important. Nous discutons de ces éléments et de la manière dont ils génèrent un mode de concurrence particulièrement intense dans chacune des 12 arènes d'aujourd'hui.
Le rapport complet peut être téléchargé ici.
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18 futures arènes de concurrence
Vous voulez en savoir plus sur les 18 futures industries qui pourraient remodeler l'économie mondiale? Télécharger le rapport complet
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Michel Levy Provençal
Futurs de la transition énergétique : tendances, scenarios, risques et opportunités pour le secteur.
Transition énergétique : scénarios chocs pour 2035.
Quand on parle de transition énergétique, les débats deviennent souvent houleux et les opinions divergent. La question des solutions, qu'il s'agisse du nucléaire, des éoliennes ou de l'hydrogène, exacerbe les tensions. Aujourd’hui je vous propose un exercice de prospective simple et pratique.
Parmi les nombreux scénarios possibles pour l'évolution du secteur de l'énergie et de la transition énergétique à l'horizon 2030-2035, en voici deux.
https://www.mikiane.com/blog/2024/10/2/futurs-de-la-transition-nergtique-tendances-scenarios-risques-et-opportunits-pour-le-secteur
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L’innovation apporte-t-elle le bonheur ?
En développant de nouveaux objets et services qui s’invitent dans notre quotidien, les innovations transforment nos modes de vie. La promesse souvent avancée : nous rendre la vie plus facile pour, in fine, nous rendre plus heureux. Mais cette promesse peut-elle être tenue ? Pour Gaël Brûlé et Francis Munier, il convient de ne pas oublier l’essentiel : la créativité.
L a recherche sur l’innovation s’est concentrée sur la compréhension de son succès et de son impact sur la croissance économique et la productivité.
Pourtant, la non-adéquation entre richesse et bien-être, soulignée par le fameux paradoxe d’Easterlin, indique qu’un nouveau paradigme est nécessaire, véritable défi pour s’orienter vers l’innovation pour le bien-être, la qualité et la satisfaction de vie des individus et des sociétés. L’équation est cependant loin d’être triviale.
Le « bon côté » de l’innovation, selon ses différentes acceptions, peut prendre la forme d’un nouvel outil de communication, d’un moteur à basse émission ou d’un vaccin. Sans produire de bonheur au sens strict, elle le facilite à travers ses déterminants comme le capital social, l’écologie ou la santé.
De prime abord, à la faveur de l’innovation, les conditions de vie s’améliorent à bien des égards. Néanmoins, si l’on regarde de plus près l’évolution des indicateurs de bonheur, les choses ne semblent pas aussi miraculeuses et la conversion de bien-être (du point de vue extérieur, apparent) en bonheur (du point de vue intérieur, ressenti) est loin d’être systématique.
L’innovation peut aussi avoir un côté « sombre » avec des effets délétères au niveau individuel, collectif ou encore environnemental2. Les externalités négatives telles que la pollution et le chômage, la solitude ou les dérives autoritaires via le Big Data nous montrent que loin de créer des conditions favorables au bonheur, l’innovation déplace certains problèmes, les recompose ailleurs ou sous une autre forme ou en crée un nouveau.
Les cryptomonnaies peuvent tout autant s’affranchir d’un pouvoir régulateur que polluer l’environnement, l’intelligence artificielle permettre des gains de productivité tout en ayant des effets négatifs sur l’emploi et la répartition équitable des revenus, les améliorations apportées à des bâtiments écologiques peuvent inciter les gens à chauffer davantage. En d’autres termes, que ce soit par des effets d’agréation mal maîtrisés, des effets rebond ou des effets de revanche, l’innovation peut aussi être une forme de regret.
Comme la sélection évolutionniste ne conduit pas automatiquement à la suppression des mauvaises innovations, la question n’est pas d’identifier de bonnes ou de mauvaises innovations, mais plutôt de chercher à comprendre la nature et le contexte dans lequel elles s’inscrivent, afin d’établir une grille de lecture plus nuancée en termes d’impacts sur le bonheur. Les innovations (a fortiori radicales) nous façonnent et façonnent notre relation aux autres et au monde, avec parfois une transformation ontologique (c’est le cas des réseaux sociaux).
L’innovation permet des progrès dans le confort de vie et la santé. C’est indéniable. Ce n’est pas la percée technologique qui en soi est importante, mais davantage ses impacts sociaux, politiques, culturels et comportementaux. Il s’agit in fine, d’éviter le piège d’une vision angélique ou diabolique, mais plutôt de comprendre la problématique innovation – bonheur comme un juste milieu entre corne d’abondance et luddisme, bien de confort et bien créatif, résonnance et aliénation, eudémonisme et hédonisme pour une innovation positive.
Pour conclure, innovation, créativité et bien-être s’interpénètrent dans un jeu d’influences réciproques et dans cette dynamique l’innovation peut être constitutive du bien-être. Au niveau individuel, c’est un sentiment de flow à l’instar de la figure de l’entrepreneur innovant. Au niveau sociétal, la ville et la classe créative engendrent du bonheur et une qualité de vie plus importants
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À quoi ressemblera le monde de l’information en 2050 ?
C’est cette question qu’à l’automne 2023 Christophe Deloire proposa à l’INA d’explorer dans le cadre des États généraux de l’information, dont il était alors le délégué général.
Autour d’Agnès Chauveau (directrice générale déléguée), Antoine Bayet (directeur éditorial) et François Quinton (rédacteur en chef de La Revue des médias), se sont associées trois personnalités extérieures à l’INA : Antoine Buéno (essayiste, prospectiviste et conseiller au Sénat), Jérôme Ruskin (fondateur et directeur général d’Usbek & Rica), et Nathalie Sonnac (professeure à l’université Paris Panthéon-Assas et présidente du Conseil d’orientation et de perfectionnement du CLEMI).
>> retrouvez la vidéo de la restitution des États généraux de l'information (1'59)
Cet exercice, nous l’avons abordé avec humilité. Ne serait-ce que pour une raison simple : qui, en 1998, aurait pu décrire le paysage de l’information en 2024 ?
Afin de nous aider dans notre exploration du futur, nous avons interrogé près de 40 personnalités évoluant dans l’univers des médias, de la prospective, de la recherche, des études, de la défense, de la régulation ou encore de la science-fiction.
L’avenir étant ouvert et faute de pouvoir le décrire avec certitude, l’ambition de ce travail — à notre connaissance inédit sur le sujet — est d’en éclairer les déterminants et les enjeux. Nous avons fait le choix d’écarter les scénarios les plus extrêmes (effondrement total ; remplacement de l’homme par la machine).
Nous faisons l’analyse que cinq grandes transformations — technologique, économique, politique, sociétale et écologique — façonneront le monde de l’information d’ici à 2050.
Une matrice d’incidences nous a permis de projeter leurs effets possibles sur l’écosystème informationnel pris dans ces cinq dimensions et d’élaborer des hypothèses. Cette matrice, nous avons tenu à la rendre publique et ouverte pour que chacun — universitaire, journaliste, étudiant, dirigeant — puisse s’en emparer pour construire ses propres scénarios.
Dans ce rapport, nous en proposons trois, parmi bien d’autres possibles.
Le premier promet un âge d’or de l’information,
le second envisage la mort de l’information,
quand le troisième imagine une information éclatée.
Aucun de ces scénarios ne se réalisera probablement tel quel. Le futur se logera dans les interstices et autres surprises combinatoires. Cependant, ces scénarios sont utiles pour alerter quant aux risques critiques et identifier des leviers d’action possibles.
télécharger le rapport >>>>
Comment permettre à l’Europe et à la France d’innover« à la frontière »
Comment l’Europe, à la pointe sur les premières révolutions industrielles, s’est-elle retrouvée à la traîne sur les États-Unis ? Pour le comprendre, Philippe Aghion nous propose une analyse des contrastes entre les écosystèmes d’innovation sur les deux rives de l’Atlantique et en tire deux leçons pour la politique française d’innovation.
I l y a plusieurs sortes d’innovations. Les innovations dites « incrémentales », qui débouchent sur de nouveaux produits ou de nouveaux procédés de production mais qui demeurent circonscrites à certains secteurs et ne représentent que des améliorations marginales sur ce qui existait auparavant.
Et les innovations « de rupture » qui transforment nos modes de vie et de pensée de façon radicale et affectent l’ensemble de l’économie. La machine à vapeur, l’électricité, l’Internet et plus récemment l’intelligence artificielle en particulier dans sa version générative, constituent des exemples types d’innovations de rupture.
Or, si la machine à vapeur a été inventée en Europe, toutes les autres grandes révolutions technologiques depuis le début du 20e siècle ont vu le jour aux États-Unis. En outre, depuis plusieurs décennies l’Europe et en particulier la France demeurent à la traîne dans les technologies de pointe et les industries high-tech. Dans cet article nous nous interrogeons sur les raisons de ce déclin et sur les politiques qui permettraient de l’endiguer.
Stimuler l’innovation de rupture en Europe
Une étude récente publiée par l’université Bocconi1 se penche sur la question de savoir pourquoi l’Europe est durablement à la traîne, et sur les changements institutionnels et de politique économique qui lui permettraient de revenir dans la course.
Tout d’abord sur le pourquoi : l’étude met en évidence plusieurs faits saillants. En premier lieu les dépenses privées en recherche et développement (R&D) sont deux fois moins élevées dans l’Union Européenne (UE) qu’aux États-Unis (1,2 % du PIB dans l’UE contre 2,3 % du PIB aux États-Unis). Mais, fait encore plus marquant : les industries high-tech – à commencer par les services informatiques et logiciels d’une part, et le secteur biotech et pharmaceutique d’autre part – représentent 85 % des dépenses privées en R&D aux États-Unis tandis que l’industrie automobile absorbe plus de 50 % des dépenses privées de R&D en Europe. Il n’est donc pas étonnant que les États-Unis dominent largement en termes de brevets high-tech (technologies de l’information, biotech et pharmacie) tandis que l’Europe domine en production de brevets dans des domaines plus traditionnels comme les transports et la mobilité.
Pourquoi ce contraste entre les domaines d’innovation américains et européens ? Notre réponse est que l’écosystème d’innovation américain donne une place prépondérante à la recherche fondamentale (universités, laboratoires) et au financement des projets à haut risque. De fait, l’existence aux États-Unis d’un puissant réseau de fondations de recherche, d’investisseurs institutionnels, et de capital-risqueurs dotés de l’expérience nécessaire pour faire croître de nouvelles entreprises, contribue à expliquer la domination américaine en matière d’innovation de pointe ou « de rupture ».
En outre les États-Unis disposent d’un puissant outil de politique industrielle qui contribue encore davantage à leur garantir un leadership dans les technologies de l’information et la biotech : à savoir les Advanced Research Project Agencies. La première agence de ce type, la Defense Advanced Research Project Agency (DARPA), a été créée en 1958 en période de guerre froide pour faire face à la concurrence de l’Union Soviétique en matière d’espace et de défense. Par la suite les Américains ont créé la ARPA-Energy puis la BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) grâce à laquelle nous avons pu tous être vaccinés contre le Covid-19.
Le but d’une agence de type DARPA est de faciliter le passage du stade de la recherche fondamentale à celui des applications et de la commercialisation pour les innovations de rupture, lorsque ce passage occasionne d’importants coûts fixes et nécessite de coordonner différentes sources de financement et différents agents économiques. Le programme DARPA a permis aux Américains d’envoyer des hommes dans l’espace et de conquérir la lune, et a conduit à terme à d’importantes innovations telles que l’Internet ou le GPS.
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1,2 % du PIB est consacré aux dépenses de R&D en Europe, soit deux fois moins qu’aux États-Unis (2,3%)
Le modèle DARPA est particulièrement intéressant car il combine une approche descendante (top down) et une approche ascendante (bottom up). Du côté top down, c’est le ministère de la Défense qui finance les programmes, sélectionne les chefs de programmes et les recrute pour une période de 3 à 5 ans. Du côté bottom up, une fois sélectionnés, ces chefs de programmes qui proviennent du monde académique, du secteur privé ou qui sont des investisseurs, ont toute latitude pour définir et gérer leurs programmes. Ils peuvent organiser librement des collaborations entre start-ups, laboratoires universitaires et grandes entreprises industrielles, et jouissent d’une grande flexibilité dans le recrutement de leurs collaborateurs.
Alors bien sûr d’aucuns évoquent le programme Horizon Europe qui selon eux pourrait changer la donne en matière d’innovations de rupture. Cependant, comme le montre très bien le rapport de l’université Bocconi, sur ses 11 milliards d’euros de budget annuel, seul 1,4 milliards d’euros est alloué au Conseil d’Innovation Européen (EIC) en charge des innovations de rupture. Et encore, si d’aucuns caressent l’espoir que ce Conseil puisse être l’équivalent de la DARPA américaine, force est de constater que nous sommes loin du compte.
« Des politiques d’innovation non ciblées ont peu de chance de générer des innovations de rupture »
Patrice Geoffron
En particulier, nous avons vu que de l’autre côté de l’Atlantique, si c’est le gouvernement qui finance la DARPA et sélectionne les chefs de programmes, une fois sélectionnés, ces chefs de programmes qui proviennent autant du monde académique que du secteur privé, ont toute latitude pour susciter et financer des projets disruptifs pour accomplir une mission de pointe. Or tel n’est pas le cas avec le Conseil d’Innovation Européen, dont les instances sont soumises à la tutelle de l’Agence Européenne pour l’Innovation et les PME (EISMEA) dont la responsabilité principale est de soutenir les PME européennes. Or il se trouve que les PME existantes se focalisent davantage sur des innovations moins à la pointe que celles poussées par les nouveaux entrants. Dès lors, il n’est guère surprenant, qu’à la différence de la DARPA qui a véritablement stimulé des innovations de rupture, l’Agence Européenne pour l’Innovation demeure cantonnée aux innovations incrémentales et aux domaines technologiques plus traditionnels.
D’où l’importance de réformer en profondeur le système d’innovation européen : donner davantage de latitude aux pays membres pour financer la recherche fondamentale, créer un marché financier européen intégré articulé autour d’une union bancaire et d’une union des marchés des capitaux pour pousser des innovations de rupture en Europe, et créer un organisme européen qui soit la contrepartie des DARPA américaines en sélectionnant les projets d’innovation de rupture sur la base de l’excellence des projets – comme le fait déjà le Conseil Européen de la Recherche pour les projets de recherche fondamentale.
Politique française d’innovation
Deux politiques d’innovation initiées sous la présidence Sarkozy ont été récemment évaluées. La première, en 2008, fut la réforme du Crédit d’Impôt Recherche pour en augmenter l’enveloppe de 2 à 6 milliards d’euros. La seconde, en 2009, fut la création de Labex (Laboratoires d’Excellence) dotés de moyens suffisants pour acquérir une visibilité internationale. C’est ainsi que 1,5 milliards d’euros furent investis dans 171 unités de recherche sélectionnées par un jury international. Quel a été l’impact de ces deux initiatives ? Une étude récente montre une étonnante efficacité du dispositif des Labex : la création de ces laboratoires de recherche fondamentale a fortement stimulé l’innovation et l’emploi en R&D dans les industries de pointe proches à la fois géographiquement et sectoriellement.
Par exemple la création du Labex « Action » à Dijon spécialisé dans la miniaturisation des systèmes intégrés, a fortement stimulé l’emploi de nouveaux chercheurs et la production de brevets dans les entreprises d’équipements de communication, de composants électroniques, et de systèmes de navigation, situées à proximité. En revanche plusieurs études, notamment par France Stratégie et par l’Institut des Politiques Publiques, montrent un effet négligeable de la réforme du CIR sur la production de brevets. Quelles leçons tirer de ces évaluations ?
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13 % du budget du programme-cadre de recherche et d’innovation de l’UE sont consacrés aux innovations de rupture
La première leçon est que des politiques d’innovation non ciblées ont peu de chance de générer des innovations de rupture. C’est aussi vrai pour le CIR que pour les politiques actuelles de soutien à l’innovation conduites par le Conseil d’Innovation Européen (EIC). Comme nous l’avons mentionné plus haut, bien que dédié en principe aux innovations de rupture, celui-ci est en fait soumis à la tutelle de l’Agence Européenne pour l’Innovation et les PME (EISMEA) dont la responsabilité principale est de soutenir les PME existantes, lesquelles se focalisent davantage sur des innovations incrémentales.
« Nous proposons une exception IA pour libérer les chercheurs des contraintes administratives et leur donner davantage de moyens pour mener une recherche publique en IA »
Patrice Geoffron
La deuxième leçon, c’est que l’innovation de rupture, est un processus en plusieurs étapes, qui commence avec la recherche fondamentale. Si nous voulons générer davantage d’innovations de rupture, il nous faut en particulier créer davantage de Labex, et plus généralement accroitre sensiblement notre soutien financier et logistique à la recherche fondamentale dans les secteurs de pointe, à commencer par l’IA. Dans le rapport de la Commission sur l’Intelligence Artificielle intitulé IA : notre ambition pour la France (Odile Jacob, 2024), nous proposons une « exception IA » pour libérer les chercheurs des contraintes administratives et leur donner davantage de moyens pour mener une recherche publique en IA. En particulier en favorisant le développement d’emplois de recherche hybrides entre le public (l’université) et le privé.
Patrice Geoffron
Membre du Cercle des économistes, directeur du Centre de Géopolitique de l’Énergie et des Matières Premières
... retour sur les Rencontres d'Economiques d'Aix en Provence,
retrouvez nos morceaux choisis et aussi l'ensemble des 70 interventions ...
Redéfinir le contrat social, l’entreprise et ses responsabilités
https://www.lesrencontreseconomiques.fr/en/events/plenary-10-redefining-the-social-contract-the-modern-corporation-and-its-responsabilities/
Vers un nouveau partage de la valeur ?
https://www.lesrencontreseconomiques.fr/en/events/session-25-towards-a-new-way-of-sharing-value/
Sous les pavés, l’Enfer ! Comment vivre sous 50° ?
Fin des énergies fossiles, nouvelles technologies, gérer le monde d’après
Rebâtir le système alimentaire
https://www.lesrencontreseconomiques.fr/evenements/session-15-rebatir-le-systeme-alimentaire/
Jeunesses : Nos futurs ou No future ?
https://www.lesrencontreseconomiques.fr/evenements/session-12-jeunesses-nos-futurs-ou-no-future/
Démographie mondiale, le choc des civilisations
Le défi de la raréfaction des ressources
L’économie face aux ruptures
https://www.lesrencontreseconomiques.fr/evenements/ouverture-leconomie-face-aux-ruptures/
Les 70 débats des Rencontres Economiques d’Aix en Provence 2024
https://www.lesrencontreseconomiques.fr/programme/
Qu'est ce qui fera valeur demain ?
-Retrouvez tous les pitches vidéo de notre Expédition 2023
"Qu'est ce qui fera valeur demain ?"
https://www.clubopenprospective.org/atelier72023
Marketing et IA Générative
-Etude capgemini - Marketing et IA Générative Marketing
Dans le marketing, l’IA Générative suscite aujourd’hui un engouement phénoménal. L'étude capgemini dédiée aux responsables marketing passe en revue l’ensemble des enjeux:
Comme chaque mois l'excellente newsletter de futura -mobility nous fait part des news de la mobilité
La bataille fait rage, à la fois du côté de la recherche, mais aussi des fabricants de batterie, des constructeurs, des pays. L'enjeu est d'arriver à proposer des batteries, et donc des véhicules électriques, plus abordables et construits à proximité des marchés finaux.
Le marché des batteries est aujourd'hui très largement dominé par le lithium-ion, mais des alternatives ne vont pas manquer d’apparaitre grâce à la recherche active sur de nouvelles chimies. Cette évolution est poussée par les incertitudes économiques et géopolitiques quant à la capacité des pays de s’approvisionner en métaux essentiels.
La limitation du besoin en batteries est explorée en parallèle, soit via la sobriété énergétique avec des véhicules de plus petite taille, soit avec de la recharge plus fréquente. Dans notre prochaine newsletter (à paraitre le 1er septembre), nous évoquerons ces Systèmes de Routes Électrifiées (ERS) – sujet de notre dernière séance Futura-Mobility – qui permettent de recharger les véhicules tout en roulant.
Au-delà de permettre aux véhicules électriques de rouler, les batteries jouent un rôle clé dans la transition énergétique mondiale et la possibilité d’apporter à tous une électricité bon marché – ces questions sont creusées par l’Agence Internationale de l’Energie (IEA).
Cliquez ci dessous pour en savoir plus... et encore merci à futura mobiliy
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