Michel Levy Provençal
Lorsque l'on parle d'intelligence artificielle, on pense souvent aux progrès technologiques fulgurants, aux risques pour l'emploi ou aux promesses futuristes. Cependant, on oublie de souligner la révolution productiviste que les entreprises vont vivre. L'histoire est pourtant éloquente.
La commercialisation de ChatGPT peut être comparée à des moments clés, tels que la mise en service de la première centrale électrique par Edison en 1882 ou l'avènement de l'accès Internet avec Windows 95. Ces innovations ont marqué le début de nouvelles ères de productivité. C'est ce que nous vivons avec l'IA.
Les études réalisées en 2023 suggèrent une hausse de la productivité de 15 à 30 % dans certains domaines. Ces observations présagent l'émergence d'une nouvelle organisation de la production : l'« entreprise augmentée ». De la génération de contenu marketing au déploiement de chatbots, ces IA transforment la chaîne de production des entreprises en augmentant l'efficacité.
En France, et plus largement en Europe, les entreprises augmentées dépendront des solutions américaines d'IA, notamment celles des géants. Cette dépendance soulève de nombreuses questions : quelle souveraineté pour les données ? Quels investissements pour un écosystème européen ? L'Europe a-t-elle les moyens de son ambition ? Certains, avec des moyens modestes, tentent de rivaliser avec les solutions les plus avancées du marché. Malheureusement, cette approche semble vouée à l'échec, comme nous l'avons vu avec Qwant ou Gaia-X…
Si nous souhaitons avoir une place dans cette nouvelle guerre de la productivité, nous devons reconnaître nos faiblesses et miser sur nos atouts. Il faut utiliser les infrastructures d'IA existantes en créant de la valeur ajoutée plutôt que les remplacer. Autrement dit, nous devons nous rendre indispensables dans l'écosystème technologique plutôt que de tenter de surpasser les leaders.
Enjeu colossal pour l'Europe
Pour cela, il faut privilégier une approche ouverte et embrasser le mouvement open source où les talents sont nombreux. L'enjeu est colossal : nous assurer une place dans une compétition où l'entreprise augmentée sera la norme. La rapidité de cette transition représente un défi suffisamment grand pour ne pas y ajouter d'autres obstacles. Cela demandera de la formation et un accompagnement au changement.
De plus, notre exigence éthique ne doit pas se réduire à une prolifération de normes. Elle doit guider notre utilisation de l'IA, en assurant à l'homme une place centrale. Un journaliste ou un médecin conservera la responsabilité de son travail, même si celui-ci est optimisé par un outil.
Bien employée, l'IA amplifie nos compétences et libère notre créativité. Face à cette transition vers l'entreprise augmentée, la question n'est plus de savoir si vous allez adopter l'IA, mais quand.
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