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Photo du rédacteurThierry Bardy

Après des débats houleux, l'UE s'accorde sur les règles contrôlant l'IA

Fabienne Schmitt Bureau de Bruxelles

Les Etats membres de l'UE ont tous dit oui à la première loi au monde pour réglementer l'intelligence artificielle. La France, l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche ont discuté jusqu'au bout plusieurs points du texte.

L'Europe tient enfin son accord final sur la première loi au monde aussi complète pour réglementer l'intelligence artificielle (IA). Réunis à Bruxelles vendredi, les ambassadeurs des Etats membres ont voté en faveur de ce texte qui aura alimenté bien des débats, parfois houleux, jusqu'à la dernière minute.

Normalement, cette étape aurait dû être purement formelle, un accord politique étant intervenu entre les colégislateurs européens début décembre. Mais plusieurs Etats membres, au premier rang desquels la France, l'Allemagne, l'Italie ou encore l'Autriche, menaçaient, ces dernières semaines, de ne pas voter favorablement. Au final, le texte a été adopté à l'unanimité, après d'ultimes tractations visant uniquement à apporter des clarifications et réassurances, sans toucher à l'essence des mesures.

Le sujet est extrêmement sensible, le développement de l'IA ayant été présenté par des scientifiques comme une menace potentielle pour l'existence de l'humanité. La loi instaure un ensemble de règles visant à contrôler l'IA, posant des obligations pour les systèmes à haut risque, tout en prétendant offrir des gages pour ne pas entraver le développement de start-up prometteuses avec des contraintes trop lourdes. Pour Thierry Breton, le commissaire au Marché intérieur, le vote des Vingt-Sept reflète « l'équilibre trouvé par les négociateurs entre innovation et sécurité ».

Les garde-fous instaurés pour les modèles d'IA générative (systèmes de type ChatGPT ou Bard) ont donné beaucoup de fil à retordre aux législateurs. Tout comme l'utilisation par les forces de l'ordre de la reconnaissance faciale en temps réel, très encadrée dans le texte.

Paris défend l'innovation

Si les pays contestataires ont obtenu des concessions, seuls les « considérants » de la loi ont été précisés lors des dernières discussions. Paris voulait une réglementation qui se concentre sur les applications de l'IA. Mais les concepteurs des modèles de langage de type Mistral AI et OpenAI  seront finalement soumis à des obligations en Europe. Sur ce point, la France réclamait un meilleur équilibre entre la transparence imposée aux sociétés d'IA et la protection du secret des affaires, qu'elle est parvenue à faire rajouter dans le texte. Mais par ailleurs, à défaut d'avoir obtenu un relèvement du seuil au-delà duquel un modèle d'IA est considéré comme systémique, Paris doit se contenter d'une actualisation régulière.

L'Allemagne se focalisait, elle, sur le chevauchement de la loi avec le règlement européen sur les dispositifs médicaux, et l'Autriche sur la protection des données. Mardi à Berlin, le ministre allemand du Numérique, Volker Wissing, s'est félicité d'avoir « pu obtenir des améliorations pour les petites et moyennes entreprises, éviter des exigences disproportionnées et veiller à ce que nous restions compétitifs au niveau international ».

Emmanuel Macron avait lui aussi critiqué publiquement l'accord signé en décembre, pour excès de régulation. « Si on perd des leaders ou des pionniers à cause de ça, il faudra y revenir », avait-il prévenu.

Un groupe d'experts

A l'instar de l'Allemagne, la France compte des fleurons dans l'IA comme Mistral AI, dont Cédric O, l'un des cofondateurs, fut secrétaire d'Etat au Numérique et reste proche du président de la République. « Malgré les efforts visant à améliorer le texte final, de nombreuses nouvelles règles pourraient ralentir le développement d'applications innovantes en Europe, a regretté Boniface de Champris, responsable des politiques de la Computer & Communications Industry Association Europe, un lobby d'entreprises informatiques et de l'Internet. La bonne mise en oeuvre de la loi sera donc cruciale. »

Lors de la réunion de vendredi, la Commission s'est engagée à créer un groupe d'experts composé des autorités des Etats membres pour « faciliter l'application » de la loi et « sa mise en oeuvre cohérente et efficace ». Désormais finalisé, le texte ne bougera plus jusqu'à un ultime vote - formel - du Parlement européen, sans doute en avril, juste avant les élections européennes.

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