Leïla Marchand
En utilisant l'intelligence artificielle ChatGPT, Bing, le moteur de recherche de Microsoft, pourrait apporter des réponses plus humaines aux requêtes des internautes. Une promesse qui pourrait faire mouche.
L'intelligence artificielle d'OpenAI est-elle un Google killer ? Cela reste à prouver mais la bataille est ouverte. Après avoir bluffé le monde de la tech à son lancement en novembre dernier, ChatGPT pourrait bientôt s'opposer frontalement à Google en étant intégrée à Bing.
Le moteur de recherche de Microsoft pourrait disposer, d'ici à la fin du mois de mars, d'une option permettant de lancer des requêtes à travers ce robot conversationnel, d'après des sources citées par The Information. Ce fonctionnement inédit permettrait aux internautes d'obtenir des réponses plus humaines à leurs questions au lieu de simplement accéder à une liste de liens. Il s'agirait d'un premier retour sur investissement pour Microsoft, qui a injecté 1 milliard de dollars en 2019 dans OpenAI, société à but lucratif plafonné.
Doté d'une interface similaire à Google, ChatGPT est capable d'apporter une réponse directe à une question posée en langage naturel. Par exemple, si on lui pose la question : « Pourquoi y a-t-il la guerre en Ukraine », plutôt que de proposer une liste de liens comportant des occurrences liées à ces termes, il va répondre comme le ferait un être humain, avec une réponse construite et argumentée en plusieurs paragraphes.
La même recette depuis vingt ans
Leader incontesté des moteurs de recherche, avec plus de 90 % des parts de marché dans la majorité des pays, Google a peu changé son modèle depuis deux décennies. Pour certains types de questions factuelles, le géant affiche parfois des réponses tirées du « Knowledge Graph », sa base de données contenant des milliards de faits sur des personnes, des lieux et des choses. A des questions comme « Quelle est la hauteur de la tour Eiffel ? », la réponse apparaît alors directement en haut de la page de résultats, dans un encadré. Mais cela reste une exception.
Générant la majorité de ses revenus grâce à la publicité, Alphabet (maison mère de Google) a peu d'intérêt à bouleverser son modèle. Et pour cause, les pages de résultats proposant une liste de liens sont idéales pour y glisser des liens commerciaux. Quitte à négliger l'expérience utilisateur.
Si, en 1998, Google était vanté pour sa page d'accueil épurée et son efficacité par rapport à ses concurrents de l'époque comme AltaVista, le moteur de recherche imaginé par Sergey Brin et Larry Page fait aujourd'hui face à des critiques. « Si vous r echerchez un terme pouvant également être un produit - des inhalateurs pour l'asthme, par exemple -, vous devrez faire défiler jusqu'à quatre grandes publicités avant de trouver enfin des résultats non sponsorisés », se désespère ainsi une éditorialiste du « Financial Times ».
Google aurait pourtant les armes pour répliquer à Microsoft. En interne, le géant de la tech travaille sur son propre chatbot, LaMBDA (Language Model for Dialog Applications). L'été dernier, une version test a été ouverte via une application expérimentale, mais l'outil n'a jamais vraiment été rendu accessible au public et encore moins intégré à son moteur de recherche.
L'arrivée imprévue de ChatGPT pourrait forcer Google à réfléchir à une contre-attaque. D'après un article du « New York Times » datant de fin décembre, le PDG Sundar Pichai et la direction de l'entreprise ont d'ores et déjà mobilisé des équipes de chercheurs, déclarant que la situation représentait un « code rouge ».
La firme de Mountain View a encore un peu de temps devant elle. Le chatbot d'OpenAI présente encore des défauts majeurs, notamment des biais algorithmiques et une tendance à présenter des informations incorrectes comme des faits véridiques. Le patron de la start-up lui-même, Sam Altman, a précédemment averti que « ce serait une erreur de compter sur [ChatGPT] pour quelque chose d'important pour le moment ».
Des coûts de fonctionnement énormes
Il est probable que Microsoft commence par tester ChatGPT auprès d'un groupe restreint d'utilisateurs avant d'étendre le dispositif. Il faudra probablement ajuster l'IA ou lui appliquer des garde-fous pour la rendre utilisable. Par ailleurs, celle-ci n'est pas connectée à Internet, ses réponses se limitent donc aux données enregistrées avant 2021. La mise à jour de sa base de connaissance représente un autre défi auquel sont confrontés l'ensemble des outils de ce type.
Par ailleurs, les modèles de langage tels que ChatGPT sont lents à fonctionner car ils doivent parcourir l'ensemble de leurs données pour chaque requête, contrairement aux moteurs de recherche comme Google qui disposent d'algorithmes d'indexation et de tri très rapides. Et enfin, les coûts de fonctionnement des modèles de langage sont énormes : de l'ordre de 100.000 dollars par jour pour 1 million d'utilisateurs quotidiens (d'après le spécialiste Tom Goldstein), alors que Google recense près de 7 milliards de requêtes quotidiennes.
Le pari de Microsoft est risqué mais bien réfléchi. Le géant du cloud mise sur l'intelligence artificielle d'OpenAI depuis plusieurs années. Après son investissement en 2019, il a payé l'exclusivité de la licence commerciale du modèle GPT-3, auparavant développé par le laboratoire de recherche. Puis ChatGPT a été entraîné sur un supercalculateur Azure, assemblé et fourni par Microsoft, et son exécution est hébergée sur le service de cloud computing Azure.
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