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Photo du rédacteurThierry Bardy

Comment l'Europe construit sa souveraineté numérique et industrielle


Thomas Courbe


La présidence française du Conseil de l'Union européenne s'est achevée le 30 juin dernier. Assurée pendant six mois à tour de rôle par chacun des 27 Etats membres, la présidence représente une chance pour chaque Etat de faire avancer ses priorités stratégiques. Sous l'impulsion française, l'Europe a pu avancer vers une plus grande souveraineté numérique et industrielle ainsi que vers la mise en oeuvre d'un nouveau modèle de croissance, conformément aux priorités fixées par le président de la République.

La construction d'une souveraineté numérique européenne passe par le renforcement de notre autonomie réglementaire, c'est-à-dire notre capacité à fixer nos règles et à les faire prévaloir vis-à-vis des acteurs dominants. L'adoption du Digital Markets Act (DMA) et du Digital Services Act (DSA) constitue ainsi une avancée majeure. Le DMA renforce les règles pour éviter les pratiques déloyales des très grandes plateformes. Elles ne pourront plus, par exemple, empêcher les utilisateurs de désinstaller des logiciels ou des applications pré-installées ou d'utiliser des magasins d'applications différents de ceux qu'elles proposent.

Le DSA permettra de responsabiliser les plateformes face à la prolifération des contenus illicites, haineux ou de la désinformation, ainsi que la diffusion de produits contrefaits ou dangereux. Concrètement, il fixera des obligations renforcées aux grandes plateformes en matière de transparence, de vigilance et de modération des contenus avec des sanctions pouvant aller jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires en cas d'infraction.

Notre souveraineté numérique dépend également de la résilience de nos infrastructures : l'adoption de la directive NIS 2 (Network and Information System Security) permettra d'imposer des obligations renforcées en matière de cybersécurité, pour garantir la protection des citoyens et des entreprises. Les crises récentes nous ont collectivement fait prendre conscience de nos dépendances critiques, au-delà de l'énergie. C'est le cas sur de nombreuses matières premières indispensables au fonctionnement de notre industrie telles que le titane dont 60 % environ de l'approvisionnement pour la filière aéronautique provenaient de Russie. Les chefs d'Etat et de gouvernement sont convenus lors du sommet de Versailles en mars de la nécessité de réduire nos dépendances en produisant plus en Europe dans six secteurs stratégiques : l'énergie, les matières premières, la santé, l'agroalimentaire, le numérique et les semi-conducteurs. Il s'agit d'un véritable renouveau de la politique industrielle européenne.

Nous devons maintenant avancer collectivement pour mettre en oeuvre cet « agenda de Versailles ». Pour ce faire, nous avons porté plusieurs projets importants d'intérêt européen commun (Piiec), fruits d'une action conjointe des Etats membres pour soutenir la production en Europe. Des Piiec sont lancés dans le domaine de la santé, de l'électronique, du cloud, de l'hydrogène, et de la batterie. Ils donnent déjà des résultats concrets : le premier Piiec batterie a ainsi permis d'engager cette année la construction de la méga-usine de batteries d'ACC à Douvrin qui comptera à terme 2.000 salariés, alors que les capacités nationales de production de batteries pour véhicules électriques sont aujourd'hui très limitées. Cette politique industrielle va nous faire passer d'ici à 2030 d'une dépendance quasi totale à l'Asie à une couverture complète de nos besoins par la production européenne, en dégageant même des capacités d'exportation. Pour que l'électrification de l'automobile ait du sens au niveau global, nous sommes parvenus à un accord au Conseil de l'UE sur le « règlement batteries », qui interdira l'importation de batteries dont la production et le transport auront un bilan carbone trop élevé. Le renforcement de notre souveraineté passe également par la promotion d'un nouveau modèle de croissance européen, notamment pour s'assurer que nos partenaires commerciaux respectent les règles européennes.

Sous présidence française, les Etats membres sont ainsi parvenus à un accord pour mettre en place un mécanisme qui reprend le fonctionnement d'une taxe carbone aux frontières et fera peser sur les entreprises des pays extérieurs les mêmes exigences que celles qui s'imposent à nos entreprises. L'adoption d'un chargeur universel pour les équipements électroniques est également un pas important pour la transition écologique : plus de 10.000 tonnes de déchets électroniques seront évitées chaque année.

Sous l'autorité et l'impulsion du ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, et avec l'ensemble des ministres de Bercy, la Direction générale des entreprises s'est mobilisée pour faire aboutir ces projets majeurs. De nombreux chantiers seront à ouvrir pour poursuivre la construction de cette souveraineté européenne et nous travaillerons avec les prochaines présidences de l'UE à pérenniser le renouveau de la politique industrielle européenne que la présidence française a permis d'impulser.

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