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Comment les entreprises parisiennes se préparent au choc des Jeux Olympiques

Photo du rédacteur: Thierry BardyThierry Bardy


Marion Kindermans

Pendant la période des Jeux Olympiques et Paralympiques, le quotidien des entreprises de la capitale et de leurs salariés sera lourdement affecté. Circulation, transport, livraisons, cybersécurité, pic ou baisse d'activité : les services des ressources humaines et les directions se préparent à gérer cet épisode d'une ampleur inédite.

Il n'y a pas que pour les athlètes que les JO vont être du sport. Pour les milliers d'entreprises parisiennes et franciliennes, les Jeux Olympiques et Paralympiques (respectivement du 26 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre 2024) pourraient être une période de haute voltige. Restriction de circulation, casse-tête des livraisons, transports saturés, activité perturbée, sécurité, cyberattaques : les risques sont légion. Et en réalité, c'est d'avril à fin septembre, soit quasiment pendant six mois, que la capitale vivra au rythme des JO. 

Depuis la publication par la préfecture de police des périmètres de sécurité dans Paris et à proximité, et à mesure que vont s'affiner dans les jours qui viennent les plans de transport et de circulation, les dirigeants et leurs responsables des ressources humaines sont sur le front. Car dans la capitale, aucune entreprise ne sera à l'abri. « Aucune ne peut dire qu'elle n'est pas concernée par les Jeux, que ce soit en bien ou en moins bien », souligne Marie-Sophie Ngo Ky Claverie, directrice générale du Medef Paris.

Bien sûr, il y a celles qui se frottent les mains en anticipant une activité à la hausse (hôteliers, restaurateurs, certains commerces…). Mais pour d'autres, c'est la soupe à la grimace. « Le monde économique a dès le départ soutenu le projet et continue à le faire », fait valoir le Medef. Il n'empêche. Il va falloir anticiper la déferlante de près de 13 millions de visiteurs, 1 ou 2 millions de plus que d'habitude à Paris à cette période. Et composer avec des sites de compétition (une trentaine intra-muros et en banlieue) dont les alentours seront d'un accès très limité.

« Acclimater les esprits »

Pour ne pas engorger les transports, qui devraient être pris d'assaut par 800.000 usagers des JO chaque jour, une petite musique sur le télétravail a commencé à monter juste avant les fêtes. Valérie Pécresse, la présidente (LR) de la région Ile-de-France a invité « tous ceux qui le peuvent à télétravailler » .                         « Les acteurs publics lancent des filets pour voir comment ça réagit et acclimater peu à peu les esprits à faire autrement pendant les Jeux. Ils sont en train d'affiner le message », glisse un proche du dossier.

Une communication du ministère des Transports devrait être déployée en janvier en direction du grand public mais aussi des employeurs, une fois que le fameux « travel demand management » - ce plan déployé par les villes olympiques qui détaille très précisément, heure après heure, l'offre de transport - sera arrêté. « Le principe de base, c'est : on maintient l'activité économique. Il ne s'agit pas du tout de limiter ou d'arrêter la vie économique, mais de lui permettre de s'organiser », a martelé fin décembre Etienne Thobois, le directeur général de Paris 2024. Il s'agit de ne pas répéter le parti pris de Londres, qui lors des JO de 2012 avait explicitement demandé aux Londoniens de quitter la capitale pendant la quinzaine olympique.

« Nous ne dirons pas ça, mais il est possible que l'on incite à ne pas utiliser les transports sur certaines périodes un peu chaudes », souffle l'entourage du préfet de région Marc Guillaume, qui a vigoureusement contesté sur X (ex-Twitter), en décembre, avoir plaidé pour « un confinement olympique » dans une note de vigilance adressée au ministère des Transports. Mais on admet que des tensions pourraient exister, par exemple fin juillet dans l'Ouest parisien, avec les épreuves au Parc des Princes et à Roland-Garros.

« Le télétravail, c'est un bout de solution. Mais ça ne peut pas être le seul », prévient Audrey Richard, directrice des ressources humaines de Canal+, à la tête de l'association des DRH (ANDRH), qui avance aussi, pour alléger le quotidien des salariés, le covoiturage, la flexibilité des horaires, la prise de congés, voire le repli vers des agences ou des sites en régions. Ce sujet, comme celui de la sécurité ou de l'impact sur le business, est mis une fois par mois sur la table par le préfet de région, qui réunit depuis l'été les acteurs économiques - Medef, CPME, Afep ou les CCI.

Une concertation saluée par Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Paris Ile-de-France, qui approuve, à l'instar de la plupart des interlocuteurs, « l'écoute et la volonté de prendre en compte chaque situation » de la part des services de l'Etat. Mais cela doit aller plus vite. « Nous voulons être acteurs de la fête et ne pas être obligés de voir uniquement les contraintes. Pour cela, il faut des réponses à nos interrogations », insiste-t-il. Un sondage récemment mené par le Medef Paris évoquait que si 39 % des entreprises interrogées attendent les JO avec enthousiasme, 45 % appréhendent l'impact de ce rendez-vous sur leur activité.

Plans de crise

En ce moment, les contacts se multiplient avec Laurent Nunez, le préfet de police de Paris, pour trancher sur les dérogations possibles dans les zones où il sera quasiment impossible de circuler. Mais l'Etat a prévenu : ce sera « au cas par cas ».                         « Les commerçants ne savent pas trop comment cela va se passer pour leur chiffre d'affaires. On nous dit que les JO sont une opportunité mais certains se posent des questions », souligne Patrick Briallart, président de la Confédération des métiers de l'artisanat d'Ile-de-France, évoquant les craintes des coiffeurs, des centres d'esthétiques ou des fleuristes. A moins de sept mois du plus grand événement mondial dans la capitale, les employeurs commencent tout juste à se pencher sur des plans de crise. Des réunions ont lieu ici ou là. « Nos salariés commencent à s'inquiéter sur les déplacements, indique Audrey Richard, mais à part les entreprises partenaires des JO, les autres sont peu nombreuses à décortiquer les conséquences. Beaucoup se disent : 'Ce n'est rien, c'est pendant les vacances.' Elles se trompent. » Pour les pousser à anticiper, l'ANDRH, qui a publié un mémo en septembre sans beaucoup de réactions de ses adhérents, va inciter en janvier à activer les « plans de continuité d'activité », les mêmes qui prévalaient pendant la crise sanitaire. Avant toute chose : mettre en place une « task force » avec autour de la table les équipes RH, sécurité, environnement de travail, business, informatique et les représentants du personnel. La CPME, de son côté, va rouvrir la cellule d'accompagnement avec numéro vert qui avait été mise en place pendant le Covid et la crise énergétique.

Car, au-delà de l'affluence touristique de fin juillet-début août, c'est surtout la première quinzaine de septembre, pendant laquelle se dérouleront les Jeux Paralympiques, qui pose question. En pleine rentrée scolaire, elle concentre les inquiétudes, même si la fréquentation des touristes (environ 3,4 millions, contre 9,2 pour les olympiques) devrait être moindre. « C'est la période de reprise d'activités où les entreprises font leur séminaire de rentrée, préparent leurs équipes, lancent les projets », s'angoisse Marie-Sophie Ngo Ky Claverie.

« On est en train d'examiner la situation et de demander à chaque salarié quel est son trajet », confie Philippe d'Ornano, président du groupe Sisley (5.000 salariés), préoccupé par le fonctionnement du siège social (300 personnes, dont 65 % sont présents l'été). Situé avenue de Friedland, à deux pas des Champs-Elysées, il n'est pas loin de plusieurs stations de métro qui seront fermées (Concorde, Champs-Elysées-Clemenceau, Tuileries). Le niveau d'activité pourrait aussi en pâtir. « Nous savons que les JO nous sont en général légèrement défavorables au niveau des ventes, car la clientèle de luxe ne vient pas », analyse-t-il.

« Encore intense »

Même réflexion au sein de l'entreprise La Brosse & Dupont, spécialisée dans les produits d'hygiène et de beauté pour la grande distribution, dont le siège social de 150 personnes (sur un groupe de 900 personnes) est à Villepinte, en Seine-Saint-Denis. « On a calculé que moins de 5 % de nos magasins seront impactés, surtout les Monoprix dans Paris. On y chargera les rayons avant ou on décalera les horaires de livraison. On est en train d'établir un plan logistique », indique François Carayol, le PDG, qui s'apprête à faire du sur-mesure pour chaque salarié mais évoque « une situation tout à fait gérable ».

Car les livraisons seront un des points sensibles. Quelque 185 km de routes franciliennes seront réservés de jour aux accrédités (athlètes, journalistes et officiels), du 1er juillet au 15 septembre. Des tests ont été réalisés pour les décaler la nuit. « Pour l'instant, ce n'est pas clair sur la façon d'organiser le travail de nuit, le coût induit ou les autorisations », relève Marie-Sophie Ngo Ky Claverie. Pour y parer, celles qui le peuvent (les denrées non fragiles) vont remplir les stocks en amont.

Dans le monde des services, prédominant dans la capitale, banques, assurances ou conseil sont aussi en pleine réflexion. La direction des risques est souvent à la manoeuvre. La Société Générale est en train d'évaluer l'impact sur ses deux gros sites, le siège à La Défense (14.000 personnes), alors que le boulevard circulaire du quartier d'affaires sera fermé en journée, et Val de Fontenay, dans le Val-de-Marne (12.000 personnes). Il s'agit également d'anticiper l'impact sur les agences bancaires et les distributeurs. « Bien sûr, on peut miser sur le télétravail ou les congés. Mais c'est une période où on fait les comptes annuels, on a besoin des salariés », explique-t-on à la banque.

« Nous avons mis en place une cellule de réflexion », indique Frédéric Zeitoun, directeur général, chargé du capital humain du cabinet Grant Thornton, l'idée étant de maintenir « la qualité de vie des 1.200 collaborateurs » qui doivent se rendre au site, à Neuilly-sur-Seine. Or « la dernière semaine de juillet est encore intense chez nous, car nous terminons des missions d'audit ou de conseils », déclare-t-il. Enfin se pose aussi pour tous la question de la sécurité (attentats, émeutes, manifestations…) et des cyberattaques, les JO concentrant à haute dose ces risques.

Le chiffre de la semaine 7,6 Millions

Le nombre de billets vendus pour les Jeux olympiques (sur 10 millions disponibles), à des tarifs débutant à 24 euros mais pouvant aller jusqu'à 980 euros pour les compétitions d'athlétisme. Selon Paris 2024, il restait fin décembre des places pour certaines épreuves comme le football, le handball, le basketball ou le waterpolo. Côté Jeux Paralympiques, 830.000 billets se sont écoulés (sur 2,8 millions), dont 80 % acquis par des acteurs publics.

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