Bruno Mouly
L'accès à un nombre exponentiel de données et la capacité à les analyser rapidement permettent aux collectivités locales, aux acteurs de l'immobilier et aux enseignes commerciales de mieux développer de nouveaux projets.
Environnement, développement économique, mobilité, habitat, foncier, commerce, emploi, démographie, tourisme… Toutes ces problématiques d'urbanisme et d'aménagement urbain sont désormais scrutées à la loupe grâce à la data. Enseignes commerciales, investisseurs immobiliers et collectivités locales ont aujourd'hui accès à un énorme volume de données pour comprendre la situation urbaine actuelle afin d'orienter et de planifier leurs projets en connaissance de cause.
« L'exploitation des données se développe fortement dans la conception des projets d'urbanisme. Leur analyse permet de mesurer les besoins et conduit à une meilleure interprétation de la réalité pour développer des projets adéquats », explique Julien Schnell, président d'Urbanica, agence d'architecture, d'urbanisme et de paysage.
Mesurer la fréquentation piétonne et automobile
Ainsi, la start-up Mytraffic, spécialisée dans la collecte et l'analyse de données de fréquentation piétonne et automobile, voit une explosion de la demande en données de trafic de la part des commerces, des acteurs de l'immobilier et des villes. « Grâce à l'analyse de nos données de fréquentation d'usagers, on accompagne les enseignes commerciales dans leurs stratégies d'implantations, les acteurs de l'immobilier sur l'attractivité des zones commerciales et les villes moyennes dans la redynamisation de leur centre-ville », résume Laura Tabuteau, directrice secteur public de Mytraffic.
La start-up fournit quelque 500 enseignes commerciales et acteurs de l'immobilier, et près de 150 métropoles et villes moyennes, en data quantitatives de piétons et d'automobilistes, mais aussi qualitatives comme leur provenance, leurs lieux de travail, leur profil type, leurs affinités… Ces données permettent notamment à Amorino, la marque de glaces italiennes, de définir sa stratégie d'implantation de boutiques sur des emplacements à fort potentiel de fréquentation.
Elles ont aussi conduit l'établissement public d'aménagement (EPA) Sénart à développer un projet hôtelier majeur au sein de sa zone commerciale mixte, le Carré Sénart. Enfin, Mytraffic aide les municipalités à piloter la redynamisation de leur centre-ville à travers le plan Action coeur de ville, porté par l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT).
Montpellier s'est appuyé sur ses datas de fréquentation piétonne pour instaurer la gratuité de ses transports en commun le week-end. Rennes expérimente une zone à vitesse limitée dans son centre historique sur la base des flux de visiteurs. « Nos données permettent aux maires de valoriser leurs actions et d'orienter leur politique d'urbanisme », souligne Laura Tabuteau.
C'est également la mission historique des agences d'urbanismes affiliées à leurs collectivités territoriales respectives. Créées pour porter des observatoires sur les trajectoires territoriales, elles collectent et analysent de multiples données depuis longtemps. Mais avec un accès à un nombre exponentiel de sources de données ouvertes (open data), publiques et privées, conjugué à l'adoption de nouveaux outils numériques comme l'intelligence artificielle (IA) et le big data pour traiter des données dynamiques, elles sont aujourd'hui capables d'analyser un volume considérable de données plus rapidement et plus précisément.
L'IA au service des collectivités
« L'IA apporte de la précision sur le diagnostic de l'urbanisme existant et la possibilité de faire des simulations de scénarios prospectifs pour anticiper et éclairer les projets futurs », indique Alexandre Labasse, directeur général de l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur). Ces nouveaux outils conduisent à d'autres logiques d'approche de l'urbanisme en faisant émerger de nouveaux indicateurs et en révélant des usages ou phénomènes insoupçonnés. Ils permettent, par exemple, à l'Apur de détecter les îlots de chaleur potentiels à Paris par l'analyse des espaces de végétation ou de mesurer les taux d'usage des bâtiments par la consommation d'eau ou d'énergie des utilisateurs.
L'Agence d'urbanisme et d'aménagement de l'aire toulousaine (Auat) s'en sert pour classer le foncier en fonction de la nature du sol ou pour modéliser les flux de déplacement des usagers et tester plusieurs hypothèses d'aménagement d'infrastructures de transport… Alors que l'Agence de développement et d'urbanisme de Lille Métropole (Adulm) les utilise pour dégager des tendances d'évolution démographique à partir des données de l'Insee afin de mieux planifier la politique du logement. « Le traitement de données facilite et accélère les projets d'urbanisme », conclut Yann Cabrol, directeur général de l'Auat.
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