Leïla Marchand
A force d'acquisitions, Palo Alto Networks devient le premier groupe du secteur valant plus de 100 milliards de dollars. La société californienne s'est progressivement diversifiée en visant des niches en forte croissance.
Son nom n'est pas aussi connu que celui d'IBM, Cisco, ou Intel. Et pourtant, sa valorisation est désormais comparable à la leur. Depuis le début de l'année, Palo Alto Networks est devenue la première entreprise de cybersécurité à valoir plus de 100 milliards de dollars. Loin devant ses rivaux comme Crowdstrike (66 milliards de dollars) ou Fortinet (46 milliards).
En un an, son titre a bondi de 137 %. Mais il n'y a pas qu'en Bourse que la société californienne performe : en 2023, elle a généré près de 7 milliards de dollars de revenus (dont 3,2 milliards de dollars issus de la facturation de ses services), en hausse de 25 %, et s'attend à passer les 10 milliards de dollars en 2024.
Fondé en 2005 par Nir Zuk, ancien ingénieur au sein de Check Point, le groupe de 15.000 personnes dit compter plus de 85.000 clients dans 150 pays. Il est porté par un marché dynamique : selon Gartner, les dépenses mondiales en matière de sécurité et de gestion des risques devraient bondir de plus de 14 % en 2024 pour atteindre 215 milliards de dollars.
« Superstar des affaires »
Cloud, IA, objets connectés… « Tout le monde s'équipe de plus en plus en technologies, ce qui laisse chaque fois davantage de portes ouvertes pour des acteurs malveillants », contre lesquels les entreprises cherchent à se protéger, résumait récemment Nikesh Arora, le PDG de l'entreprise.
Mais l'ambitieux dirigeant est loin d'être étranger aux chiffres fous de sa société. Celui que la presse américaine dépeignait comme une « superstar des affaires », à son arrivée aux manettes en 2018, vient de chez Google, où il a passé une décennie comme bras droit du cofondateur Larry Page, avant d'être nommé numéro deux de SoftBank.
Arrivé chez Palo Alto Networks, qui valait alors 19 milliards de dollars, il a avoué « ne rien y connaître en cybersécurité », mais y a appliqué la même stratégie. Pour Fatima Boolani, analyste chez Citigroup, la montée en puissance du groupe résulte « d'une stratégie de fusion-acquisition-consolidation très audacieuse (et à l'époque perçue comme risquée) que le PDG a adoptée dès son arrivée ». « Depuis 2018, Palo Alto a déployé plus de 4,5 milliards de dollars de capital », confie l'experte aux « Echos ». « En cinq ans, on a racheté 19 entreprises », calcule Etienne Bonhomme, directeur France de Palo Alto Networks. Venue des pare-feu et de la sécurité réseau, la société de Santa Clara s'est diversifiée en visant des niches en forte croissance comme les services de cybersécurité dans le cloud, dans la protection des infrastructures ou des applications cloud native.
« Un marché désorganisé »
« La cybersécurité est un marché parfaitement désorganisé, notamment composé d'une myriade de start-up dédiées à une seule solution innovante, décrit Etienne Bonhomme. Résultat, les entreprises cumulent en moyenne une trentaine de solutions cyber pour protéger leur système, ce qui est compliqué à gérer. C'est pourquoi, de notre côté, nous avons fait en sorte d'être présents sur tous les couloirs de nage. »
« Nous voulons être sur toutes ces nouvelles technologies tendance donc notre politique est celle-ci : si vous pouvez la construire, nous l'achetons », disait autrement dans une interview Nikesh Arora. Résultat, sa société affirme être désormais leader du marché avec 3,5 % des parts. Revers de la médaille, « l'entreprise a atteint une taille significative et dépend de plus en plus de transactions à 8 ou 9 chiffres pour 'faire avancer' la croissance de son chiffre d'affaires », note Fatima Boolani. De plus, certains clients peuvent être réticents à « reposer entièrement sur un seul fournisseur pour tous leurs besoins », pointe-t-elle.
En Europe, Palo Alto Networks est en tout cas devenu « l'un des premiers partenaires » d'Orange Cyberdefense, note Olivier Bonnet de Paillerets, vice-président Technology & Marketing du groupe français. Pour lui, le groupe américain a « développé une grande proximité avec les grands comptes privés et publics » en France et a « fortement investi pour couvrir l'ensemble des marchés en développant leur maillage du territoire ».
De quoi faire des jaloux en France ? Pour Jean-Noël De Galzain, président d'Hexatrust, leur succès « devrait donner des idées pour investir dans les solutions tricolores et construire des leaders en Europe ». L'entrepreneur est convaincu qu'il y a aussi sur le Vieux Continent « des entreprises qui valent des milliards et qui sont sous-valorisées ».
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