PAR PAPON PIERRE
ASSOCIATION NÉGAWATT , « La Transition énergétique au cœur d’une transition sociétale. Synthèse du scénario négaWatt 2022 », Association négaWatt, 2021.
L’association négaWatt a pour objectif de promouvoir la réduction des consommations d’énergie, d’analyser les problématiques énergétiques de manière globale et de proposer des solutions concrètes. Elle publie un nouveau scénario à l’horizon 2050, qui s’inscrit dans une démarche globale de soutenabilité visant à limiter le réchauffement climatique (en deçà de 2 °C par rapport au niveau préindustriel) comme les pays signataires de l’accord de Paris s’y sont engagés. Le scénario de négaWatt concerne essentiellement la France, mais il devrait contribuer à atteindre les 17 objectifs de développement durable définis par l’Organisation des Nations unies, en particulier le septième (accès à une énergie propre et d’un coût abordable). Il prend en compte la diversité des enjeux sociaux, économiques et environnementaux autour des choix de transition énergétique. Ceux-ci s’imposent car, souligne le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), nous pouvons encore agir pour le climat afin de limiter à 1,5 °C le réchauffement de la planète, un objectif certes difficile à atteindre, mais « l’urgence climatique est l’affaire de tous ». Le scénario de négaWatt s’inscrit dans le cadre de la Stratégie nationale bas-carbone avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La transition énergétique suppose une transition sociale avec une modification des modes de vie des Français, en misant sur un « trio gagnant » sobriété / efficacité / renouvelables. Ce nouveau scénario accorde une priorité aux besoins essentiels et privilégie l’utilisation des énergies renouvelables. Il s’appuie sur une vision systémique qui englobe, et c’est une nouveauté, la nécessité d’une part, d’une plus grande efficacité dans l’utilisation des matériaux et matières premières (un scénario NégaMat), et d’autre part, d’une transition agricole, sylvicole et alimentaire (le scénario Afterres 2050 de l’association Solagro). La réduction des consommations d’énergie concerne en premier lieu la mobilité et les transports, le trafic routier étant le premier poste d’émission de gaz à effet de serre. Le scénario privilégie la marche à pied, le vélo et les transports en commun. La vente des véhicules à essence et au gazole cesserait en 2035, et les véhicules électriques représenteraient 66 % du parc automobile en 2050, ceux à gaz renouvelable 30 % et à hydrogène 4 %, les poids lourds rouleraient pour 74 % au gaz renouvelable et 12 % à l’électricité. NégaWatt préconise une limitation de la vitesse sur autoroute à 110 kilomètres à l’heure, une redevance au kilomètre pour le fret routier, dont le produit serait affecté au transport ferroviaire, ainsi qu’une augmentation du prix du transport aérien. Le bâtiment est un poste important de la consommation d’énergie (40 %), la rénovation thermique des immeubles est un impératif pour la transition énergétique, accompagnée de la stabilisation du nombre de personnes par logement et de la réduction de la part des maisons individuelles dans la construction neuve au profit de petits immeubles. Des systèmes économiques comme les pompes à chaleur et le chauffage au bois devraient être privilégiés. NégaWatt, s’appuyant sur le scénario négaMat, préconise une relance industrielle avec une baisse de la consommation d’acier, de ciment et de plastiques, un recours massif au recyclage (95 % des métaux et 85 % des plastiques en 2050) et aux matières premières renouvelables (le bois et le bioéthanol notamment). Des procédés économes en énergie devraient être mis au point, notamment une décarbonation de la sidérurgie et de la chimie, grâce à l’hydrogène produit par électrolyse avec de l’électricité renouvelable. L’agriculture, fortement émettrice de gaz à effet de serre, devrait être transformée. S’appuyant sur le scénario Afterres 2050, négaWatt préconise une évolution de l’alimentation des Français, avec une réduction de 50 % de la consommation de viande en 2050 au profit de protéines végétales (la consommation de produits de la mer n’est pas envisagée…). Les systèmes d’élevage intensif seraient divisés par deux, avec un doublement dès 2030 des élevages en pâturage, les importations de soja étant supprimées, l’agriculture conventionnelle basculerait vers l’agriculture biologique ; ces évolutions réduiraient les émissions de gaz à effet de serre. La transformation du système énergétique est le point central du scénario de négaWatt basé sur un mix énergétique avec 96 % d’énergies renouvelables, les énergies fossiles n’étant plus utilisées que pour des usages « matières » dans l’industrie (4 %) et une sortie du nucléaire étant prévue en 2045. La neutralité carbone serait atteinte en 2050, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergies fossiles étant divisées par 28 et celles de tous les gaz à effet de serre par un facteur neuf (mais trois pour le méthane). Le mix de la consommation d’énergie primaire (1 200 térawattheures [TWh], divisée par un facteur trois par rapport à 2019) pour les usages énergétiques et pour les usages « matières » serait constitué à 60 % d’électricité renouvelable et d’un tiers de bioénergies. L’éolien terrestre et en mer (respectivement 19 000 et 3 000 éoliennes en 2050) serait la première source d’énergies renouvelables en 2050 (300 TWh et 40 TWh en 2019), suivi par le bois (200 TWh, 130 TWh en 2019), le solaire photovoltaïque (160 TWh, 15 TWh en 2019) et le biogaz (140 TWh et 10 TWh en 2019). L’équilibre du réseau électrique serait assuré par la « complémentarité des vecteurs » et des moyens de stockage (notamment des batteries, des barrages, et la conversion en hydrogène), mais négaWatt est peu disert sur la question. Le rapport de négaWatt dresse un bilan prospectif de l’impact de son scénario. Celui-ci conduirait à une baisse globale de l’utilisation des matières premières et de matériaux : de 50 % du béton, de 20 % de l’acier et de 20 % du plastique et du caoutchouc, mais de 5 % seulement du bois. Il cite des chiffres impressionnants concernant l’évolution de la quantité de matières premières extraites annuellement entre 2014 et 2050 (à l’échelle mondiale) : une baisse de 95 % pour le cuivre et de 84 % pour le cobalt (exploité souvent dans des conditions déplorables), alors que négaWatt anticipe une très forte croissance de l’électrification qu’illustre d’ailleurs la forte progression (54 %) de la consommation de lithium. Son scénario aurait un impact positif sur la santé (diminution de la pollution de l’air, moindre consommation de viande) et sur l’emploi puisqu’il table sur un nombre important de créations d’emplois : 250 000 en 2030 dans le secteur du bâtiment et 90 000 dans celui des énergies renouvelables (135 000 en 2040). Le scénario de négaWatt est une équation pour la transition énergétique dont il donne la solution, la décarbonation de l’énergie par les énergies renouvelables, mais qui comporte de nombreuses inconnues, notamment : les besoins en investissement, le coût de l’électricité et des lignes électriques, l’emprise au sol des infrastructures. L’Europe est aussi absente du scénario alors que l’interconnexion des réseaux est indispensable. Il est vrai que négaWatt annonce la publication d’un rapport détaillé plus complet, nécessaire pour mieux éclairer le débat public car, si la sauvegarde du climat n’a pas de prix, la transition énergétique a un coût.
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