Guillaume Charlin Vinciane Beauchene
Plus de 20.000 mètres carrés de bureaux, 3.000 mètres carrés de services, un emplacement stratégique dans l'ouest de Paris, au coeur du quartier des affaires… Au mois de février 2020, le BCG signait le bail de ses prochains locaux pour une durée ferme de douze ans. Un mois plus tard, le pays était confiné, le télétravail entrait dans les habitudes des Français et la crise sanitaire obligeait les entreprises à repenser la façon dont les équipes allaient désormais collaborer…
Alors, avons-nous pris une bonne décision ? La réponse est… oui. Le recul dont nous disposons à présent permet de l'affirmer. Quelle que soit leur entreprise, que l'on parle de lieu de travail ou de plages horaires, les salariés réclament davantage de flexibilité. Mais très peu souhaitent se passer totalement de bureaux.
Certes, le boom de la visioconférence a, dans tous les secteurs, bénéficié aux cadres expérimentés qui connaissent leurs clients, les rouages de leur entreprise et peuvent prendre à distance les bonnes décisions. Limiter déplacements et voyages les a même rendus encore plus efficaces - sans évoquer les économies de CO2. Toutes catégories confondues, 75 % des salariés estiment qu'ils ont maintenu ou augmenté leur productivité individuelle grâce au télétravail.
Il en va toutefois autrement de la productivité collective. La proportion de ceux qui sont parvenus, a minima, à la conserver tombe alors à 51 %. A distance, la baisse du nombre d'interactions informelles plombe la créativité, sape le lien social et le sentiment d'appartenance à un collectif. Même si le fait de partager un peu de l'intimité de ses collaborateurs par écrans interposés recrée une certaine proximité, elle ne remplace pas le contact réel. On rit très peu en visioconférence, beaucoup moins que dans la vraie vie…
Les plus jeunes sont les premiers à pâtir de l'éloignement. Privées de parcours d'accueil, les nouvelles recrues découvrent assez vite que la culture d'une entreprise ne s'assimile pas sur PowerPoint. Non seulement ses codes leur échappent, mais elles ne savent pas vers qui se tourner en cas de question. Sans possibilité de compagnonnage au quotidien, leur courbe d'apprentissage se fait plus plate. Et faute d'être privés des à-côtés qui en font souvent le sel, ils se montrent moins attachés à un job dont le sens leur échappe. Les comportements transactionnels prennent alors le pas sur l'émotionnel.
Les parents de jeunes enfants, eux, rêvent ouvertement d'un retour au bureau et l'on comprend aisément pourquoi. Mais il existe une troisième catégorie de personnes à regretter le « présentiel » : celle des managers. Non parce qu'ils auraient du mal à contrôler le travail, mais parce qu'il s'avère beaucoup plus difficile de transformer une organisation à distance, et encore plus de le faire à grande échelle.
Il ne s'agira évidemment pas de revenir complètement en arrière. Parce que c'est le gage d'un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, l'avenir du travail sera fait de télétravail et de journées passées au bureau. Il importe donc que les locaux d'une entreprise se montrent à la hauteur des nouvelles attentes des salariés.
Repensés, ceux-ci devront jouer trois rôles. Le premier est celui d'un lieu favorisant l'échange et la collaboration en équipe. Le deuxième rôle est symbolique. Tel un magasin phare dans la grande distribution, un siège social est une vitrine pour une entreprise reflétant sa culture, ses valeurs - sa relation à l'environnement notamment - et ses ambitions. Enfin, il s'agit aussi d'un pôle d'attraction à même de convaincre les clients et de séduire les talents en leur donnant envie d'y travailler.
Autrefois fermé, conçu comme un noyau, le bureau est devenu pivot d'une organisation plus souple, plus agile, mais qui ne saurait se passer d'un ancrage dans la réalité. Y revenir différemment, conscients de tout ce qu'il peut apporter, sera aussi une façon de montrer que la page du Covid est en passe d'être tournée.
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