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Photo du rédacteurThierry Bardy

Le métavers doit encore faire ses preuves

Métavers, NFT, jumeau numérique, entreprises virtuelles… Nos entreprises ont-elles bien mesuré les enjeux et les conséquences de la virtualisation du monde ? Aucun secteur, aucune entreprise ne pourra échapper, à la virtualisation de nos univers qui est en train de s’engager. Nos entreprises ne peuvent rater ce grand virage, au risque de rester sur le bas-côté et passer à côté de nouvelles opportunités. En 2022, le Club Open Prospective www.clubopenprospective.org se propose de mener une démarche prospective inter-entreprise sur ce thème afin d’en appréhender les contours et y projeter nos entreprises. Si vous êtes intéressé es, nous vous donnons donc rendez-vous le 25 janvier pour en discuter , inscription impérative https://my.weezevent.com/avez-vou-bien-mesure-les-enjeux-de-la-virtualisation-du-monde Le métavers doit encore faire ses preuves


Leïla Marchand - Les Echos


Le monde parallèle de demain est loin de l'univers dystopique dépeint dans le film « Ready Player One » de Steven Spielberg. Entre ses casques de réalité virtuelle à peine au point et le risque de surveillance des données « intimes » des utilisateurs, le métavers doit progresser.

Pour Mark Zuckerberg, le futur porte un nom : métavers. Le patron de Facebook est convaincu que le prochain chapitre de notre histoire numérique s'écrira dans ce gigantesque monde virtuel. Et il a été rejoint dans cette course par d'autres grandes compagnies, telles que Microsoft, Epic Games ou Nvidia. Mais pour le grand public, cette nouvelle lubie du monde de la tech inspire surtout crainte et moqueries. « Le terme de métavers est très connoté dans l'imaginaire collectif. Il est lié à la science-fiction, qui est par nature dystopique », justifie Alexandre Bouchet, directeur de Clarté, centre de ressources national spécialisé en réalité virtuelle.

Il n'y a qu'à voir comment le concept - initialement créé par Neal Stephenson dans son roman « Snow Crash » en 1992 - a récemment été porté à l'écran par Steven Spielberg dans « Ready Player One » : dans un monde chaotique, en proie à la pauvreté et aux désastres climatiques, la population est sans cesse connectée à l'Oasis, un paradis virtuel lui servant d'échappatoire. Triste perspective… qui ne se réalisera probablement pas.

De l'avis des experts, le métavers qui nous attend est loin de cette vision extrême. « Il s'agit tout simplement du futur de l'Internet. On y trouvera des plateformes qui proposeront les mêmes services qu'actuellement, mais de manière plus immersive », résume Aurore Géraud, chercheuse à L'Atelier BNP Paribas. Comme elle, Alexandre Bouchet cherche à « dédramatiser » le concept. « Concrètement, ce sera un Internet spatial, dans lequel on rentre ; au lieu d'avoir un Internet en 2D, où l'on ne fait que consulter des textes ou des images. » Métavers ne serait ainsi qu'un terme tendance pour désigner la prochaine évolution du Web. Pour l'expert, « on a probablement trop l'impression qu'il s'agit de quelque chose de réellement nouveau », alors que les prémices sont déjà là.

Selon la définition classique, le métavers est « un ensemble de mondes virtuels », « persistants », dans lequel il est possible de « vivre des expériences immersives » avec « un grand nombre de personnes connectées de manière simultanée ». En réalité, celui-ci existe depuis un bon moment déjà. C'est par exemple ce que proposent le MMORPG World of Warcraft depuis 2004, ou le jeu en ligne Second Life depuis 2003.

Travail, vie sociale, éducation, divertissement… Le métavers étendra progressivement ses tentacules numériques hors des jeux vidéo. Vous pourrez suivre un cours de physique animé par un double d'Einstein, assister à une pièce de théâtre virtuelle, visiter le Louvre ou aller vous promener sur la Lune, faire du shopping et essayer de nouveaux vêtements dans une version virtuelle des Galeries Lafayette ou encore discuter avec les avatars de vos amis. « On peut déjà le voir depuis la pandémie, avec plusieurs concerts de stars, dont le rappeur Travis Scott, qui ont été organisés dans Fortnite et Roblox », deux jeux en ligne, note Aurore Géraud.

Des défis techniques

Comment accèdera-t-on à ce métavers ? Enfiler un casque de réalité virtuelle (VR) semble tout indiqué pour en faire une « expérience sensorimotrice » digne de ce nom, comme le souligne Philippe Fuchs, responsable de l'équipe de recherche VR & AR du Centre de Robotique de Mines ParisTech. « Quand on porte un visiocasque, on ne profite pas seulement d'une vision à 360 degrés, mais surtout d'une immersion du corps », insiste-t-il. Cela dit, l'expert n'est pas convaincu par les projets présentés par Facebook ou Microsoft, où toute la vie de bureau se déroulerait dans le métavers. « Il ne faut pas essayer de mettre de la réalité virtuelle partout, comme si c'était une baguette magique. Lors d'une réunion de travail classique, ça ne se justifie pas, soutient-il. Là où la VR pourrait vraiment faire la différence, c'est par exemple « si vous êtes en train de visiter un chantier ou de présenter une oeuvre artistique », avance Philippe Fuchs. De même, les immersions corporelles ont déjà fait leur preuve dans la formation, « par exemple pour que les conducteurs de TGV puissent répéter virtuellement un protocole de sécurité ». Sinon, nos bons vieux écrans feront encore l'affaire. « Rassurez-vous, dans l'histoire des médias, les nouveaux canaux ne suppriment pas les anciens », affirme Alexandre Bouchet.

Un potentiel « inclusif »

Heureusement, car l'univers virtuel sans limite, tel que fantasmé dans le film de Spielberg, est encore loin d'être à portée de casque. Même si, progressivement, les dispositifs gagnent en puissance et en confort - malgré ce sentiment de nausée toujours éprouvé par nombre d'utilisateurs et sur lequel les chercheurs s'arrachent les cheveux -, cela ne suffit pas à recréer « l'Oasis ». « Il faut travailler sur des systèmes pour retranscrire les sensations de toucher, de poids des objets, que je puisse ressentir le vent, la chaleur, les odeurs… C'est ce qu'on appelle la multisensorialité, un aspect essentiel pour reproduire la sensation d'être dans un autre environnement », explique Jean-Rémy Chardonnet, enseignant-chercheur à l'Ecole nationale d'arts et métiers, au sein du Laboratoire d'ingénierie des systèmes physiques et numériques.

Et une fois cela possible, il faudra que chacun s'équipe. Casque, gants tactiles, veste haptique, voire tapis roulant multidimensionnel… Toute une installation dont le coût est encore prohibitif et qui exige de disposer d'un espace inoccupé d'au moins quatre mètres carrés chez soi. Cela restera-t-il un luxe réservé à quelques-uns ?

Le risque de devenir accro au métavers, un scénario souvent dépeint dans la science-fiction, n'inquiète en tout cas pas les spécialistes du sujet. « Beaucoup de chercheurs essaient de casser ce mythe », rappelle Aurore Géraud. Pour elle, ces plateformes présentent au contraire un fort potentiel inclusif. « Second Life était peuplé pour moitié de personnes handicapées. Elles peuvent sociabiliser et même avoir un métier, comme créateur de contenu », souligne-t-elle. S'évader dans des mondes virtuels peut avoir un effet bénéfique sur les individus, d'ailleurs déjà exploité lors de thérapies pour soigner les souvenirs traumatiques ou les phobies.

Encore faut-il que l'expérience vécue dans le métavers soit positive. Vu l'énormité du casse-tête de la modération dans un Internet « en 2D », les conseils de surveillance des Big Tech auront du pain sur la planche quand leurs utilisateurs seront capables de s'interpeller quasiment physiquement. « Il y a aussi un potentiel ultratoxique », admet Aurore Géraud.

Une mine d'or pour le marketing

Là oùle métavers pourrait vraiment mal tourner, c'est en reproduisant un autre travers de notre Internet actuel : la collecte des données personnelles. Nul doute qu'en laissant les GAFA s'emparer de ce nouvel espace, ils y perpétueront leur modèle commercial. Sauf que cette fois, ils auront accès à des informations « bien plus intimes », s'alarme Alexandre Bouchet. « Ce que vous avez regardé, les choses que vous avez touchées et même l'émotion que vous avez ressenti grâce aux capteurs biométriques », énumère-t-il. Une voie directe vers notre subconscient et une mine d'or pour le marketing ciblé. « Qui fera la police de tout ça ? » s'interroge lui aussi Philippe Fuchs.

Le salut du métavers viendra peut-être de ses utilisateurs eux-mêmes. En avance sur ce sujet, la plateforme Roblox laisse ses joueurs libres de construire ce qu'ils souhaitent et estime que le métavers « sera entièrement généré par les utilisateurs ». Des projets de métavers en open source commencent aussi à pointer le bout de leur nez. Construire son propre « Oasis » sans bouger de chez soi, une activité qui pourrait bien être - un jour - à la portée de tous.

Le boom délirant de l'immobilier du métavers

Le marché de l'immobilier dans le métavers est déjà en train de flamber. Se préparant à un boom foncier numérique, les investisseurs s'emparent des salles de concert, des centres commerciaux et d'autres propriétés, telles que des logements. L'entreprise Republic Realm a récemment acheté une propriété dans The Sandbox pour un montant inédit de 4,3 millions de dollars. Ce qui a battu le dernier record établi la semaine d'avant par Metaverse Group, une filiale de la compagnie canadienne Tokens.com, qui avait acheté une parcelle de terrain numérique dans un quartier huppé de Decentraland pour 618.000 mana, un montant en cryptomonnaie équivalent à environ 2,43 millions de dollars.


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