Nicolas Richaud
Alphabet vient d'annoncer que YouTube avait vu, pour la première fois, ses revenus publicitaires reculer sur un an. De son côté, la maison mère de Facebook pâtit du tour de vis publicitaire d'Apple… qui ne cesse de s'affirmer.
Meta mis à mal par Apple
Le géant de Cupertino est en train de devenir le cauchemar de Mark Zuckerberg. Depuis l'entrée en vigueur de l'App Tracking Transparency (ATT) - un mécanisme forçant les éditeurs d'applications à recueillir le consentement des utilisateurs afin de pouvoir collecter et partager leurs données avec des tiers -, mis en place au printemps 2021 par Apple, Meta (Facebook) est en difficulté. La raison ? Sa capacité à cibler finement les annonces sur ses applications (Instagram, Facebook) et celles de ses partenaires - mais aussi à mesurer l'efficacité des campagnes - s'en trouve fortement affectée.
Cet été, le groupe a vu ses revenus publicitaires reculer, sur un an, pour la première fois de son histoire. Ralentissement du marché publicitaire, concurrence de TikTok, manque d'attrait des annonceurs pour son format vidéo Reels : les causes sont protéiformes et pas le seul fait d'ATT.
Il n'empêche. Ce mécanisme pourrait générer un manque à gagner de près de 13 milliards de dollars sur l'exercice 2022 pour Meta, selon le cabinet spécialisé Lotame. Et cela pourrait aller de mal en pis. En début de semaine, le groupe de Cupertino a mis à jour la politique de son App Store ; désormais, toutes les dépenses des firmes souhaitant accroître la visibilité de leurs contenus publiés sur les réseaux sociaux vont être assujetties au prélèvement de 30 % d'Apple appliqué sur les revenus générés via les applications téléchargées sur iOS. De la marge en moins et des problèmes en plus pour la firme.
Alphabet face au recul inédit de YouTube
Mauvaise journée pour Alphabet (Google) mercredi à Wall Street où le cours fléchissait de plus de 6 % à la mi-séance. En cause : un énorme ralentissement de ses revenus publicitaires totaux qui ont augmenté de 2,5 % entre juillet et septembre, par rapport à la même période en 2021 où la croissance, sur un an, s'établissait à 43 %. Autre nouvelle qui a chagriné les marchés : le chiffre d'affaires publicitaire de YouTube a diminué de 2 %, sur un an. Une grande première depuis que le groupe de Mountain View communique des indications financières relatives à sa plateforme de vidéos. Lors d'un échange avec les analystes, la directrice financière d'Alphabet, Ruth Porat, a assuré que cette contre-performance globale, comme celle de YouTube, était avant tout due au « repli prononcé des dépenses publicitaires ».
Quid d'ATT ? Selon Lotame, la perte de revenus pourrait se monter à plus de 2 milliards de dollars cette année pour YouTube. Reste que Google est bien moins exposé au mécanisme d'Apple que Facebook - d'autant que sa plateforme vidéos ne représente que 13 % de son chiffre d'affaires publicitaire global. « ATT impacte surtout la mesure et l'efficacité des campagnes. Or, YouTube est moins un média de performance que de notoriété pour les annonceurs, décrypte un expert du secteur. Et Alphabet a de nombreux autres services comme Google Maps ou son moteur de recherche, où il met la main sur de nombreuses datas d'utilisateurs. »
La montée en puissance d'Apple
Il faut désormais clairement compter Apple dans les firmes qui vivent (notamment) de la publicité. Non content d'avoir entravé les revenus de Facebook et Google avec ATT, la firme à la pomme croquée s'érige en rival direct avec ses offres maisons. Dans le détail, celles-ci s'axent essentiellement sur la promotion d'applications au sein de sa boutique en ligne (via un produit baptisé « Search Ads ») qui se traduit par des suggestions de téléchargement ou la vente de mots-clés.
Apple vient aussi d'expliquer que des annonces vont pouvoir être directement affichées sur la page d'accueil de l'App Store, en plus des publicités déjà présentes en haut de la page de recherche. La firme de Tim Cook vend également des bannières publicitaires dans deux de ses applications : News et Bourse.
Pour l'heure, les résultats sont là. Alors que l'analyste Toni Sacconaghi, chez Bernstein, estimait les revenus publicitaires d'Apple à 300 millions de dollars en 2017, ils auraient grimpé à près de 5 milliards l'an passé - loin des revenus publicitaires annuels de Google (210 milliards), Facebook (115 milliards) ou Amazon (31 milliards) sur 2021, mais déjà plus qu'un groupe comme Snap -, selon le cabinet de conseil Evercore ISI qui prédit que ce chiffre d'affaires pourrait grimper à 30 milliards dès 2026. En attendant, le mastodonte américain est en train de se déployer à grande vitesse. Selon le « Financial Times », le fabricant d'iPhone prévoit de doubler ses effectifs dédiés à ce business d'ici à dix-huit mois, pour les porter à près de 500 salariés. Il se murmure aussi que l'entreprise songerait à inclure des publicités dans Apple TV+.
Les chiffres clés 13 milliards de dollars
Le manque à gagner pour Meta en 2022 dû à ATT, selon le cabinet Lotame.
-2 % sur un an
La baisse du chiffre d'affaires publicitaire trimestriel de YouTube.
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