L
S. Dum.
L'offre de Patrick Drahi sur Eutelsat s'inscrit dans un contexte où l'industrie satellitaire retrouve de l'attrait pour les télécoms, entre nouveaux usages, nouveaux acteurs et nouveaux modèles d'affaires.
L'offre de Patrick Drahi sur Eutelsat a pris les observateurs par surprise. Elle symbolise pourtant l'attrait renouvelé de l'industrie des satellites pour les opérateurs télécoms, après trente ans de relations distendues. Vecteur principal des communications internationales jusqu'à la fin des années 1980, le déploiement des câbles en fibre optique avait relégué les satellites au rang de solution de secours pour les telcos.
Mais la donne change, car de nouveaux besoins en connectivité émergent, auxquels ne peuvent répondre que les satellites. C'est le cas d'Internet à bord des avions et des navires, par exemple. C'est aussi le cas de nombreuses zones blanches - pas ou mal couvertes par les réseaux fixes et mobiles des opérateurs terrestres. C'est enfin le cas des objets connectés mobiles - conteneurs, wagons de trains, camions connectés… - qui ne peuvent être correctement suivis que par satellite.
La pandémie a certes ralenti cette dynamique, particulièrement pour la connectivité à bord des avions… cloués au sol. Mais ce n'est que partie remise. Selon une étude de Northern Star Research de fin 2020, la connectivité par satellite est un marché qui devrait progresser de 13 % par an pour dépasser 50 milliards de dollars d'ici à 2030.
Le regain d'intérêt des télécoms est aussi lié à l'arrivée de nouveaux acteurs (OneWeb, SpaceX, Amazon…) qui investissent des dizaines de milliards de dollars dans le lancement de constellations en orbite basse pour apporter des débits moindres que les gros satellites géostationnaires classiques, mais avec une couverture mondiale et une latence bien plus faible. Une proposition de valeur différente qui peut répondre à certains besoins des acteurs des télécoms… ou les concurrencer directement, comme le fait Elon Musk avec Starlink.
Distributeurs, relais ou investisseurs
Dans ce marché en ébullition, les telcos ne lancent pas leurs propres satellites car ils ont assez à faire avec la fibre et la 5G. Mais ils peuvent revendiquer une part du gâteau. Soit en se positionnant comme distributeur de connectivité satellitaire (ce que fera Orange en 2022 avec le satellite VHTS d'Eutelsat ou AT&T et BT avec OneWeb), soit en s'imposant comme relais entre les constellations de satellites et les réseaux terrestres (ce que fait Orange avec ses téléports, dont celui de Bercenay-en-Othe que le groupe vient de faire certifier pour attirer les clients).
Dernière option pour les telcos : s'inviter au capital des opérateurs de satellite. Le patron de l'indien Airtel, Sunil Mittal, a pris une participation dans OneWeb, Patrick Drahi veut mettre la main sur Eutelsat… Pour beaucoup d'analystes, les gains opérationnels ne sont pas évidents et il s'agit surtout de stratégie financière.
« Le potentiel de consolidation et de synergies entre acteurs du satellite est très fort. Beaucoup n'ont pas la taille critique pour affronter les acteurs globaux nouvellement arrivés sur le marché et capables de mettre 10 milliards de dollars pour lancer une constellation, pointe Stéphane Beyazian, chez Oddo. Cela suffit probablement à susciter l'intérêt de Patrick Drahi, qui a l'expérience de la consolidation avec le câble. »
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