Adrien Lelièvre
Les jeunes pousses mettent en avant leurs atouts afin de recruter des personnes qualifiées ayant travaillé dans des grands groupes dans un passé proche.
L'époque où les grands groupes pouvaient ignorer la concurrence des start-up sur le marché de l'emploi est révolue. Alors que la French Tech affiche un dynamisme spectaculaire, les pépites du Next 40/French Tech 120 ont désormais de belles munitions pour attirer des CV prestigieux.
La montée en puissance financière de l'écosystème explique en bonne partie ce phénomène. Grâce à l'arrivée de gros fonds d'investissement étrangers (SoftBank, Sequoia, Accel, etc.), les start-up peuvent lever des sommes encore inimaginables il y a trois ans. Une bonne partie de cet argent est utilisée pour le recrutement et permet d'offrir un niveau de rémunération très confortable, surtout pour les postes en tension.
Au-delà du salaire, les start-up séduisent car elles sont nombreuses à proposer de l'actionnariat salarié. Un des dispositifs les plus répandus est le bon de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE), une sorte de stock-option dont le prix est fixé le jour de son attribution par le conseil d'administration. Le BSPCE fidélise les salariés et les pousse à travailler main dans la main avec les dirigeants afin d'oeuvrer au développement de la société. La cession de BSPCE sur le marché secondaire permet en outre à son possesseur de réaliser une belle plus-value si la valorisation de la société monte en flèche après plusieurs tours de table.
Accès aux comptes de l'entreprise
Ces derniers mois, des salariés qui avaient rejoint des licornes au début de leur histoire ont ainsi touché un joli pactole de plusieurs centaines de milliers d'euros, voire de quelques millions. Certains en profitent pour réinvestir cet argent dans l'écosystème (business angels), lancer leur propre start-up ou s'offrir du bon temps. Les actions ne concernent pas que les postes à responsabilité. Les personnes qui réparent les trottinettes électriques chez Dott sont actionnaires de l'entreprise, au même titre que les ingénieurs.
La transparence est un autre facteur que les start-up aiment mettre en avant afin de renforcer leur attractivité. La fintech Shine (propriété de Société Générale) a ainsi une grille des salaires publique. Les employés de 360Learning, qui vient de lever 200 millions de dollars, ont tous accès aux comptes de l'entreprise et savent donc ce qu'elle a sous le capot. A l'heure où les salariés sont en quête de sens, rejoindre une start-up peut séduire des personnes qui veulent avoir un impact direct sur la trajectoire d'une société et façonner sa culture. Ce qui est beaucoup plus difficile quand on rejoint un grand groupe.
La souplesse au travail est aussi un argument de choix. Alan reçoit des CV à la pelle grâce à son organisation très horizontale. Chez l'insurtech, il n'y a pas de manager et les réunions ont été arrêtées. Les échanges se font par écrit sur la plateforme GitHub. Les employés peuvent prendre des vacances quand ils le veulent - ils doivent juste le signaler dans le calendrier de l'entreprise.
De manière générale, les start-up utilisent l'arme du télétravail dans la guerre des talents. Elles y avaient recours avant la crise sanitaire, et l'ont depuis développé. Certaines pépites n'ont même plus de bureau. D'autres se contentent d'espaces de coworking, une solution souple et plutôt bon marché, qui permet de déménager vite si la start-up grossit.
L'arme du French Tech Visa
A l'image d'Ankorstore, beaucoup de jeunes pépites adaptent le télétravail en fonction des profils : les équipes tech peuvent exercer où elles le veulent, ce qui a pour avantage d'élargir le bassin de recrutement. Pour les autres services (marketing, ventes), une formule hybride est proposée. L'éditeur de logiciel Partoo propose à ses salariés de travailler d'où ils veulent trois mois par an, sous réserve d'avoir au moins un an d'expérience et de vivre à trois heures maximum de décalage horaire.
Enfin, les start-up françaises sont également de plus en plus nombreuses à utiliser le French Tech Visa, un dispositif qui simplifie les procédures pour faire venir en France des talents étrangers et qui s'étend automatiquement au conjoint et aux enfants mineurs à charge. L'insurtech Shift Technology, par exemple, en a fait une spécialité pour attirer dans ses filets des data scientists de haut niveau.
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