Florian Dèbes
L'éditeur de logiciels entend former en France 10.000 professionnels de la cybersécurité et met en avant ses technologies vertes.
Devenu l'épouvantail des défenseurs de la souveraineté numérique 100 % française, Microsoft France réplique par un contre-pied. « Notre objectif est d'aider la France à retrouver sa souveraineté économique et industrielle », a plaidé Corine de Bilbao, la présidente de l'entreprise en France, lors d'un entretien avec « Les Echos ». La patronne vient de remanier son équipe de direction.
L'offre de service de Microsoft sur le thème de la souveraineté ne doit rien au hasard. Quelques semaines après un discours de Bruno Le Maire largement interprété comme un soutien aux concurrents français des grands groupes américains de l'informatique, l'ancienne dirigeante de General Electric France veut s'inscrire dans les priorités du ministre de l'Economie. « Il n'y aura pas de souveraineté économique et industrielle avec la pénurie de talents actuelle dans le digital. Il n'y a pas de souveraineté possible sans indépendance énergétique et sans sobriété. Et le développement des usages numériques est un des moyens pour retrouver de la souveraineté », égrène-t-elle, un peu plus d'un an après son arrivée à la tête de la filiale d'Issy-les-Moulineaux.
Dans le détail, le numéro un des logiciels pour les entreprises veut former 10.000 professionnels français de la cybersécurité d'ici à 2025. Le gouvernement espère la création de 37.000 emplois dans ce secteur en manque de compétence. Microsoft veut aussi mettre en avant les outils permettant à ses clients de mesurer leur empreinte carbone et celles de ses produits. Enfin, la filiale continuera ses efforts destinés à convaincre les PME de passer aux innovations de l'informatique en ligne (« cloud computing »).
Pour autant, Corine de Bilbao réfute tout changement de ton à Bercy. « Nous avons un soutien constant pour Bleu », affirme-t-elle, en référence à la coentreprise en cours de création par Capgemini et Orange. Le dossier est en discussion à Bruxelles où les services antitrust sont tenus de s'intéresser à ce partenariat à 50-50 entre les deux groupes français. L'intérêt de cette offre conjointe est qu'elle permettra de vendre des logiciels Microsoft qui ne seront pas régis par le droit extraterritorial américain. De ce fait, les juges américains ne pourront pas faire de perquisition de données, ce qui constituait la principale entorse au principe de souveraineté numérique soulignée par le gouvernement.
En attendant cette offre et son éventuelle qualification par les services de l'Etat au plus haut standard de sécurité, « nous regrettons de ne pas pouvoir aider les hôpitaux français à se protéger », déplore Corine de Bilbao. Convaincue que ses logiciels sont les plus résistants aux cyberattaques, elle regrette « les choix consistant parfois à privilégier la souveraineté au détriment de la sécurité ». De fait, la doctrine informatique de l'Etat écarte Microsoft et ses rivaux non européens des nouveaux projets cloud lorsque des données sensibles, comme les données de santé, sont concernées.
Critiques persistantes
Par ailleurs, la patronne dément toute tension avec les collectivités locales. Certes, la ville de Lyon et la région de la Haute-Garonne ont récemment dénoncé une hausse des tarifs (+20 %) et affirment rechercher des alternatives. Mais pas de quoi en faire une généralité, assure en substance Corine de Bilbao. A ceux qui, à l'image d'OVHcloud, accusent Microsoft de se rendre indispensable à ses clients par un subtil jeu de vente croisée, la patronne assure que la récente révision des contrats de licence simplifie la politique commerciale du groupe en dépit des critiques persistantes.
Bientôt quarante ans après son arrivée en France, Microsoft emploie en direct 2.200 salariés mais revendique faire travailler près de 80.000 personnes chez ses partenaires, notamment dans les entreprises de services numériques. D'après le cabinet Roland Berger, mandaté par Microsoft, la filiale a généré en 2020 environ 2 milliards d'euros de revenus annuels. Alors que la maison mère, située près de Seattle, a récemment annoncé le licenciement de 1 % des effectifs du groupe, l'entité française ne sera « absolument pas concernée », assure sa présidente.
Comments