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Pour un humanisme numérique

Photo du rédacteur: Thierry BardyThierry Bardy

Jean-Paul Mazoyer


Toutes les révolutions industrielles ont été des périodes d'émancipation sociale, politique et économique ; la révolution numérique n'y fait pas exception. Les avancées technologiques qu'elle implique sont d'immenses facteurs de développement dont nous ne percevons pas encore pleinement la portée, pour deux raisons au moins. D'une part, il est évident que des innovations encore imprévisibles en découleront dans les années qui viennent - combien d'usages n'avaient pas été anticipés par les concepteurs des récentes technologies ? D'autre part, on n'a pas réellement mesuré les changements qu'elle avait déjà entraînés.

Il s'agit d'abord d'un changement anthropologique profond : notre rapport au temps, à la proximité et au lointain, la frontière de l'intime et du public, entre les objets inertes et l'intelligence vive, toutes nos catégories ont été déplacées. S'y ajoutent de nouvelles façons de travailler, de vivre, et même, avec l'intelligence artificielle, de réfléchir.

Les structures de l'économie autant que celles de nos existences ont été bouleversées. Pour le meilleur comme pour le pire.

Pendant la pandémie, le numérique a été un immense secours, tant pour répondre à l'épidémie, par la télémédecine ou l'usage des datas, que pour permettre aux entreprises et aux individus de poursuivre leurs activités. Le télétravail, l'e-commerce, la sociabilité par les réseaux, tout cela constitue désormais la forme du monde pour des générations qui y voient une chance de modeler leurs vies selon leurs singularités. Ce sont également des atouts pour l'environnement puisque la réduction des déplacements permet d'envisager des façons de produire et de vivre moins consommatrices en énergie et moins émettrices de pollutions.

Ces bienfaits ne doivent pas nous aveugler sur les risques qu'implique une dématérialisation de nos existences, de nos relations et de nos intelligences. Commençons par les dangers avérés et pourtant sous-estimés. La cybersécurité est un domaine où les entreprises et les institutions françaises peuvent encore progresser. La guerre en Ukraine a mis en lumière l'extension des conflits au domaine de la cyberguerre, elle a également souligné de façon plus dramatique encore l'importance, pour la France, et plus généralement pour les pays européens, de préserver et développer leur souveraineté industrielle, dans le domaine énergétique bien sûr, mais aussi dans le domaine alimentaire - donc agricole, et donc également leur souveraineté numérique.

À ces menaces s'ajoute, plus insidieux, le risque d'un délitement de notre contrat social. La particularisation des vies a érodé l'idéal du bien commun. Avec le développement des réseaux sociaux, le partage des valeurs n'a plus d'espaces universels. Voilà pourquoi un modèle mutualiste est plus que jamais d'utilité collective.

En soutenant plus de 700 start-up à travers les territoires, dans ses « Villages by CA », le Crédit Agricole fait vivre tout un écosystème. C'est la condition pour implémenter dans les modèles du futur des valeurs cruciales. Les entreprises agricoles, par exemple, doivent trouver dans les outils numériques des solutions pour conjuguer les demandes nées de l'accroissement de la population mondiale avec les urgences qu'exige la protection, voire la réparation, de l'environnement.

Parallèlement, quand plus de 70 % de l'investissement public est porté par les collectivités territoriales, il est important de rester à leurs côtés pour déployer un numérique de proximité. Développer l'accès au numérique et les moyens de sa maîtrise, c'est la condition pour que les outils numériques puissent favoriser un nouveau vivre ensemble. Une fois le partage du numérique établi, il faut faire valoir ce que notre humanité y apporte.

Face à la crise environnementale, aux incertitudes mondiales et aux déséquilibres sociétaux, nous devons mettre la révolution numérique au service d'un développement ancré dans les territoires, humain et inclusif.

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