Laurence Boisseau
La Direction des affaires civiles et du Sceau vient de dévoiler les contours de l'ordonnance française qui va transposer la directive européenne CSRD, qui révolutionne le reporting extra-financier.
La directive européenne CSRD, qui va révolutionner le reporting extra-financier des prochaines années, représente un enjeu de taille. Pour les entreprises, d'abord, qui doivent s'organiser pour divulguer plus de données mesurant leur impact sur les personnes et la planète ; pour les professionnels ensuite, qui auront pour mission de certifier la sincérité de ces données.
Parmi ces acteurs, il y a les commissaires aux comptes tels que PwC, KPMG, Deloitte, EY ou encore Mazars, qui, d'habitude, certifient les états financiers. Et puis, il y a les autres : des experts-comptables, des avocats ou encore des OTI (organismes tiers indépendants) comme les membres de Filiance, une organisation professionnelle fédérant des entreprises de contrôle de conformité et de certification (Bureau Veritas, par exemple).
L'ordonnance sera publiée le 8 décembre
La France a en effet décidé d'ouvrir le marché de l'audit à d'autres professions qu'aux spécialistes du chiffre. La directive, adoptée en 2022 par l'Union européenne, laissait sur cette question à chaque pays son libre arbitre.
Pour ceux qui vont se lancer dans cette mission, il y avait urgence à clarifier le nouveau cadre réglementaire français. Pour certaines entreprises, le reporting extrafinancier doit être réalisé dès 2025 sur des donnés extra-financières datant de 2024. C'est donc dès les assemblées générales qui se tiendront entre avril et juin prochains que les sociétés feront élire par leurs actionnaires leur futur « auditeur vert ».
Le 22 septembre, Rémi Decout-Paolini, directeur des affaires civiles et du Sceau, a dévoilé les contours de l'ordonnance française qui va transposer le texte européen. Et ce, devant un parterre de commissaires aux comptes, lors d'une conférence organisée par le H3C (leur superviseur) et la CNCC (Compagnie nationale des commissaires aux comptes). Cette ordonnance doit être publiée le 8 décembre.
Les mêmes règles, notamment en termes de déontologie, et les mêmes exigences s'appliqueront à tous les auditeurs de durabilité, quelle que soit leur profession. Et ce, pour garantir l'unicité des pratiques. Les autres professions que les commissaires aux comptes devront avoir obtenu une accréditation auprès de la Cofrac, une instance qui a vocation à évaluer la compétence et l'impartialité des laboratoires et des organismes de certification ou d'inspection.
90 heures de formation
Tous, y compris les experts des chiffres, devront avoir reçu une formation de 90 heures, validée par un examen final. Cette dernière sera différente selon la profession exercée. Les mandats sont de six ans, comme pour les comptes certifiés.
Dans un premier temps, les entreprises peuvent nommer leur auditeur vert pour une durée de trois ans, ou pour la durée restante du mandat dans le cas où elles choisiraient leur propre commissaire aux comptes pour cette tâche. Cela signifie qu'une entreprise peut prendre le même auditeur pour les états financiers que pour les données ESG.
Tous les auditeurs devront être enregistrés auprès du H2A, Haute Autorité de l'audit, qui va remplacer le H3C (Haut Conseil du commissariat aux comptes). Ce dernier, qui va devenir le régulateur de référence pour tous les acteurs de l'audit extra-financier, supervisera à l'avenir non plus une profession, mais un domaine d'activité. L'Etat réfléchit à la mise en place d'ici quelques années d'un co-audit vert, soit un audit réalisé par deux professionnels, comme c'est le cas en France avec le co-Commissariat aux comptes.
À noter
Pour l'instant, l'Espagne a fait le même choix que la France d'ouvrir le marché de l'audit vert à d'autres acteurs que les commissaires aux comptes, contrairement aux Pays-Bas ou la Norvège. L'Allemagne et l'Italie n'ont pas encore tranché cette question.
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