Anne Feitz
Le rapport du programme des Nations unies pour l'environnement sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre montre que les engagements des pays sont loin d'être suffisants pour respecter l'Accord de Paris. Un appel à réagir à la veille de l'ouverture de la COP28.
A quelques jours de l'ouverture de la COP28, qui se tient du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, l'Onu appelle à un véritable sursaut de ses Etats membres. Le dernier rapport annuel du programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) est plus qu'alarmant. Portant sur l'écart entre les émissions nécessaires et les perspectives actuelles pour limiter le réchauffement climatique(« Emission Gap Report »), il montre que les engagements actuels des pays sont très loin de suffire au respect de l'Accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement sous la barre des 2 °C, et à tout faire pour se rapprocher de 1,5 °C.
Selon les conclusions de ce rapport très attendu, les politiques actuelles de réduction des gaz à effet de serre laissent plutôt présager un réchauffement de 3 °C d'ici à la fin du siècle, par rapport à l'ère préindustrielle. Les engagements « inconditionnels » de réduction pris par les pays mènent la planète vers un réchauffement de 2,9 °C, un niveau qui serait ramené à 2,5 °C en tenant compte également des engagements pris sous conditions (recevoir un soutien financier, par exemple).
Réaction rapide et ambitieuse nécessaire
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a une fois de plus appelé à une réaction rapide et ambitieuse. « Les dirigeants doivent redoubler d'efforts de façon spectaculaire, avec des ambitions records, des actions records et des réductions des émissions records », a-t-il insisté, rappelant l'importance d'« arracher les racines empoisonnées de la crise climatique : les énergies fossiles ». Un sujet qui devrait être au coeur des débats à la COP28.
Selon le rapport du PNUE, les chances de parvenir à limiter le réchauffement à 1,5 °C ne sont plus que de 14 %, dans les scénarios les plus optimistes. Il faudrait pour cela réduire drastiquement les émissions d'ici la fin de la décennie : de 42 % (et de 28 % pour un réchauffement de 2 °C). Un rapport publié la semaine dernière par la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CNUCC) montrait que les trajectoires actuelles menaient plutôt vers une baisse de 2 % par rapport à 2019.
Des progrès ont certes été réalisés depuis l'accord de Paris de 2015. Le PNUE relève que les politiques gouvernementales alors en place auraient entraîné une hausse des émissions de 16 % par rapport au niveau de l'époque. Grâce aux inflexions menées par les gouvernements, celle-ci a été ramenée à 3 %. C'est encore largement insuffisant. En outre les progrès réalisés depuis la COP27 de l'an dernier sont « négligeables », rappelle aussi le rapport.
Loin de commencer à baisser, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 1,2 % l'an dernier, par rapport à 2021, indique le PNUE : elles ont atteint 57,4 gigatonnes d'équivalent CO2 en 2022. Un rythme qui se révèle même « légèrement supérieur à celui de la décennie ayant précédé la pandémie de Covid-19 », relèvent les auteurs. Faute de réaction, l'humanité court tout droit à la catastrophe. Lesrapports successifs du Giec montrent que même à 1,5 °C, les effets du réchauffement seront dévastateurs pour des centaines de millions d'humains. « Compte tenu de l'intensité des impacts climatiques auxquels nous assistons déjà, aucun de ces deux résultats [+2,5 °C ou +2,9 °C] n'est désirable », a rappelé Inger Andersen, la directrice exécutive du PNUE.
Le réchauffement constaté atteint déjà +1,2 °C. Alors que l'année 2023 est bien partie pour être la plus chaude jamais enregistrée, les événements extrêmes qui se sont multipliés ces derniers mois (canicules, inondations, incendies) préfigurent les conditions climatiques du futur. La COP28 sera-t-elle la réunion du sursaut salutaire ? Inger Andersen veut y croire. « Les pays et les délégations comprennent que, en dépit des divisions profondes qui existent et sont indéniables, l'environnement et le climat n'attendront pas. On ne peut pas appuyer sur pause », a-t-elle rappelé.
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