Etienne Goetz
L'administration Biden poursuit la politique de Trump pour casser la suprématie chinoise sur certaines matières premières stratégiques. Au coeur de toutes les convoitises : le néodyme.
Malgré le changement d'administration à Washington, la politique américaine à l'égard de la Chine sur les terres rares ne bouge pas d'un iota. Les Etats-Unis sont décidés à réduire leur dépendance à la Chine pour s'approvisionner en métaux rares, un groupe de 17 éléments aux propriétés uniques, très recherchés par la tech ou la défense mais aussi pour assurer la transition énergétique. Parmi ces métaux, le néodyme concentre toutes les crispations du moment. Il s'agit d'un ingrédient stratégique pour la fabrication d'aimants permanents qu'on trouve dans les éoliennes en mer, les moteurs de voitures électriques, les vibreurs de smartphone ou encore dans l'industrie de la défense pour les radars et les sonars. Ce métal est très convoité car il est au coeur des technologies de la transition énergétique et représente 91 % du marché des terres rares, selon le dernier rapport CyclOpe sur les matières premières.
Mais pour le moment, l'essentiel de l'extraction de néodyme, de son raffinage et de la production d'aimants permanents se fait en Chine. Cette situation est loin d'être fortuite : « Les autorités chinoises ont un système fiscal via un mécanisme de rabais de TVA, qui encourage l'exportation du produit fini, les aimants permanents, au détriment du produit semi fini, concentrés ou oxydes de terres rares », décrypte Luc Pez, spécialiste des terres rares et gérant chez Zadig AM. C'est la raison pour laquelle l'administration Biden a indiqué début juin qu'elle envisageait d'enquêter sur les importations de terres rares entrant dans la composition des aimants permanents. Elle souhaite déterminer si cela met en cause la sécurité nationale et peut justifier l'introduction de taxes douanières.
Il s'agit in fine de stimuler la production et de créer un environnement économique favorable à la fabrication d'aimants sur le sol américain. « Avec les taxes envisagées, Biden cherche à réimplanter aux Etats-Unis la partie la plus en aval de la chaîne des terres rares, celle qui manque aux Etats-Unis malgré la réouverture de la mine de Mountain Pass », décrypte Luc Pez. Même si les Etats-Unis ont récemment relancé cette mine de terres rares, faisant passer leur part de marché de 0 % à 16 % dans l'extraction, les activités les plus stratégiques restent encore localisées en Chine. Actuellement, l'ex-empire du Milieu purifie près de 90 % des terres rares, selon le dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie sur la criticité des métaux.
L'Europe et les Etats-Unis ont abandonné les terres rares au profit des Chinois dans les années 1990 pour des raisons écologiques, le raffinage engendrant d'importants rejets et parfois de la radioactivité. Le français Rhône-Poulenc purifiait la moitié des terres rares dans le monde, mais sous la pression médiatique et des riverains, il a décidé en 1994 de délocaliser les activités la plus polluantes jusque-là réalisées dans son usine de La Rochelle.
Dumping écologique de la Chine
Les acteurs occidentaux ont également délaissé le secteur pour des raisons économiques : trop d'incertitudes et des prix trop faibles - le dumping écologique de la Chine ayant cassé les cours - ont poussé les usines et mines en Amérique ou en Europe à mettre la clef sous la porte. « Le marché des terres rares est opaque, car il existe le prix des métaux exportés par la Chine et le prix à l'intérieur du pays. Investir directement sur ces métaux est trop complexe en raison de l'asymétrie en faveur des autorités chinoises. C'est comme jouer au poker avec quelqu'un qui a une vue d'ensemble sur votre jeu », résume Luc Pez.
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