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Photo du rédacteurThierry Bardy

Le secteur financier face à l'ambitieuse directive CSRD

Luc Vermot-Gauchy

Les nouvelles règles qui visent à renforcer le reporting climat constituent à la fois un défi et une opportunité.

La directive CSRD vient d'entrer en vigueur en France. Encore mal comprise, CSRD reste perçue par certains acteurs comme une couche supplémentaire qui viendrait s'ajouter au lourd arsenal réglementaire et bureaucratique imposé aux entreprises françaises et européennes. En réalité, CSRD est une opportunité pour les entreprises d'affiner leur maîtrise des risques extra-financiers et deviendra à terme un outil de pilotage concret dans ce domaine.

Entre les scénarios les plus optimistes et les plus pessimistes d'augmentation de la température moyenne à l'horizon 2100, les phénomènes météorologiques extrêmes seront 11 à 30 % plus intenses, les sécheresses seront 4 à 9 fois plus fréquentes et, surtout, le PIB mondial verra son niveau décroître de 8 à 30 %. Les performances financières et extra-financières ne seront plus dissociées du XXIe siècle.

CSRD est néanmoins ambitieuse et posera quelques difficultés opérationnelles aux grandes entreprises. D'abord dans la complexité technique du travail exigé et le caractère innovant des baromètres : 1.178 indicateurs ESG, cinq catégories d'indicateurs environnementaux, quatre catégories sur le volet social, une sur la gouvernance. Des données numériques non triviales et granulaires, estimées via de nouvelles unités de mesure, devront être collectées sur l'ensemble des activités. Des scénarios de décarbonation devront être modélisés. Une monétarisation des risques climatiques devra être conçue. In fine, la construction d'un référentiel climatique universel constitué de rapports identiques, mesurables et donc comparables est la réelle ambition de cette directive.

Au-delà de la complexité technique, l'entreprise devra, d'emblée, se confronter à « l'analyse de double matérialité » . Il s'agira d'identifier les risques financiers pour l'entreprise générés par les changements environnementaux (matérialité financière) et les impacts potentiels de l'entreprise sur son environnement (matérialité d'impact). Enfin et surtout, la vraie innovation que représente la directive CSRD, et qui constituera sans aucun doute un véritable défi collectif, particulièrement pour le secteur financier, porte sur le périmètre de l'analyse. Contrairement aux réglementations encore en vigueur en 2023, cette fois les entreprises devront mesurer les impacts, risques et opportunités matérielles sur l'ensemble de leur chaîne de valeur. Il s'agit donc de mesurer les impacts indirects de l'entreprise, induits par le besoin qu'elle suscite auprès de ses clients, et en même temps induites par le besoin suscité par ses fournisseurs et partenaires.

Les mêmes niveaux d'analyse sont exigés sur la chaîne de valeur et surl'entreprise elle-même. Concrètement, les acteurs devront, pour la première fois comprendre et mesurer l'activité de leurs clients et fournisseurs. Il peut paraître envisageable pour une entreprise industrielle de reconstituer les émissions de gaz à effet de serre propres à ses différents sous-traitants. L'exercice sera assurément plus exigeant pour les banques (assurances) lorsqu'il s'agira de tracer précisément l'ensemble des impacts sur l'environnement des activités qu'elle finance (assure).

Les banques finançant des projets de construction immobilière doivent-elles estimer l'impact environnemental décennal de l'utilisation prospective des infrastructures construites ? Un assuré doit-il chercher à aligner sa propre analyse de double matérialité à celle de son assurance ? Peut-il anticiper des risques de transition climatique que l'assurance n'aurait pas caractérisés ? Le projet est ambitieux et suscite un certain nombre d'interrogations. Il existe quoi qu'il en soit une réponse commune à toutes les questions. Par essence, CSRD sera un gigantesque atelier collectif.

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