2022 ATELIER 4
Virtualisation du monde
(Métavers/jumeaux numériques, NFT, Web3)
A la demande du gouvernement une mission exploratoire sur les métavers a été réalisée, pour l'obtenir il suffit de cliquer
Télécharger l'excellente étude de Futuribles >>>>
Métavers et mirror world : vers la numérisation du monde ?
Timothée Silvestre
En charge de l’analyse de signaux faibles et prospective technologique
à Y.SPOT, Direction de la recherche technologique
du CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives).
Le métavers peut-il passer l'hiver ?
Thomas Pontiroli
Meta a entraîné tout un pan de l'industrie numérique dans la course au métavers. Un an après, tous les projets déçoivent et il n'y a plus d'argent « gratuit » pour les soutenir autant. Des start-up continuent de développer leur concept mais le mot métavers semble bien arrivé à la fin d'un cycle.
A-t-on encore voulu faire advenir le métavers trop tôt ? Vingt ans après l'expérience Second Life, Meta a voulu précipiter la nouvelle version du Web en réaxant sa stratégie en octobre 2021. Il a créé une illusion collective. Un an après, tout le monde a entendu parler de métavers mais peu savent bien le définir, surtout, très peu le fréquentent et, pire, encore moins le désirent.
C'est allé vite. Il n'a pas fallu un an pour que ce soit déjà « ringard » pour une marque de dire qu'elle est « entrée dans le métavers », cingle Frédéric Cavazza, fondateur du cabinet spécialisé en transformation numérique Sysk. Indicateur nouveau : une grande agence de communication a déconseillé à une start-up de dire que le monde virtuel qu'elle développe est un métavers. « Nous attendons que l'orage passe avant de sortir du bois », espère la jeune pousse. En coulisse, Meta s'offusque si l'on qualifie de métavers sa plateforme sociale immersive Horizon Worlds.
Le buzzword mis sous les feux de la rampe par Mark Zuckerberg ne serait déjà plus bankable ? Pas si étonnant. Les rares à s'y être essayés ont constaté que ces mondes étaient dépeuplés et l'expérience proposée, confuse. Après la phase des « attentes exagérées », le cabinet Gartner vient de placer le métavers sur « la pente des désillusions » sur sa célèbre courbe du « hype cycle », une méthodologie qui évalue les cycles de vie des innovations ; leur mort, aussi.
Facebook fait tomber le premier domino de l'emballement le 28 octobre 2021, en devenant Meta. Mais plus encore, en annonçant 10 milliards de dollars par an pour son métavers ; ce sera même 15. Un mouvement titanesque, jamais vu à cette échelle, que l'on ne peut prendre qu'au sérieux. Le lendemain, des start-up opportunistes ajoutent déjà le mot magique sur leur site Internet.
Avec le rachat des casques de réalité virtuelle Oculus en 2014 et même de l'interface cerveau-machine CTRL-Labs en 2019, il était acquis que Mark Zuckerberg rassemblait les briques de son métavers dans son laboratoire de Menlo Park, en Californie. Mais pourquoi a-t-il sorti un produit inabouti ?
Aussi influent soit-il avec ses 3 milliards d'utilisateurs, Facebook est devenu un colosse aux pieds d'argile. Son audience a vieilli et a même commencé à baisser. La pépite Instagram, elle, devenue la locomotive du groupe, n'attire pas autant les jeunes que TikTok. Alors pour donner des perspectives aux investisseurs inquiets, le PDG abat sa carte maîtresse : le métavers.
Cette décision fait tomber les autres dominos, et braque le projecteur sur tout ce qui peut s'apparenter à un concurrent. Le monde découvre alors les métavers décentralisés The Sandbox et Decentraland.
Leur singularité : ils utilisent la blockchain et des NFT qui introduisent la notion de propriété numérique. Eureka ! Beaucoup y voient les fossoyeurs des Gafam, trop centralisés.
A la fin de 2021, il n'y a pas encore de guerre en Ukraine, pas d'inflation en Occident, pas de resserrement monétaire, et l'argent « gratuit » coule à flots. Il se déverse donc généreusement sur les cryptomonnaies. Et les investisseurs achètent à l'envi des parcelles de métavers au prix fort, craignant de rater le coche selon le principe du Fomo (« fear of missing out »). En janvier 2022, Carrefour plante un panneau « 4×3 » dans The Sandbox pour essayer ; un an après, le terrain est resté vierge.
Marketing land
Alors que les réseaux sociaux et les médias rassemblent d'abord des audiences avant de les monétiser avec de la publicité, le métavers a fait les choses à l'envers. Avant même que l'on ne sache ce que c'est, les annonceurs s'y précipitent, conférant finalement à Decentraland une ambiance de « marketing land » ; comme si un magazine avait de la pub sans articles !
« Ce ne sont pas de bons produits », enfonce Joël Hazan, associé chez Boston Consulting Group. Aujourd'hui « déçu », il entrevoyait alors la portée de ces nouvelles économies virtuelles. Pour Guillaume Delacroix, consultant chez Havas Blockchain, ces projets « n'ont pas voulu avoir une telle exposition, liée à Meta, et sont victimes d'attentes qui les dépassent ». D'autres s'y essaient mais sans succès : Otherside (porté par le riche « Bored Ape Yacht Club »), AlphaVerse (par l'ancien patron d'Atari), ou Lamina1 (par le père du concept de métavers).
Seulement, ils reposent, eux aussi, sur les NFT… et ce marché s'est effondré de 95 % en 2022, emmené par le crypto-krach consécutif à la remontée des taux et au nouvel arbitrage des investisseurs devenus plus rationnels. Sans le côté spéculatif et alors que les expériences ont déçu, que reste-t-il à ces univers pour espérer convaincre ? L'hiver s'annonce rigoureux.
Chez Meta, tous les voyants sont au rouge. Le « Zuckerverse », comme le veut le quolibet, ne convainc pas la Bourse (-25 % le 27 octobre) et donne l'impression qu'avec ce projet l'ex-Facebook est tombé de Charybde en Scylla. « Si l'entreprise investissait 1 ou 2 milliards de dollars dans le métavers, ça ne serait pas un problème, mais mettre 100 milliards sur dix ans dans un projet si incertain, c'est terrifiant », prévient l'actionnaire Brad Gerstner, d'Altimeter Capital. Avec cette stratégie, Meta espère un jour sortir de sa dépendance au smartphone d'Apple, mais la Bourse sera-t-elle aussi patiente ?
Pour Frédéric Cavazza, la technologie ne serait tout simplement pas au point : « Les serveurs ne peuvent pas accepter assez de joueurs en même temps, un tiers des Français sont malades en réalité virtuelle, les équipements sont trop chers, les graphismes trop faibles, et comment attirer des créateurs si l'audience n'est pas suffisante pour garantir un retour sur investissement ? » Il y a, enfin, leur consommation électrique importante, dissonante avec l'impératif de sobriété. Au bout d'un an, tous les dominos sont tombés.
« On ne parlera plus de métavers en 2023 et c'est très bien, car ce concept, avant tout littéraire, est un amalgame qui mène à une impasse », tranche Frédéric Cavazza. Il imagine chaque projet avancer dans son coin, loin des attentes hystérisées. Les jeux en ligne Fortnite et Roblox n'ont pas attendu d'être qualifiés de métavers pour rencontrer un succès, qui ne se dément pas.
Meta au défi du modèle économique de son métavers
Florian Dèbes
La dernière prise de parole du patron de Facebook et Instagram n'a pas permis de préciser comment il compte rentabiliser son pivot stratégique.
Les mots de Mark Zuckerberg n'ont pas fait taire les questions. Quelques jours après l'émission vidéo Connect du patron de la maison mère de Facebook, le futur modèle économique de l'entreprise de Menlo Park, en plein pivot stratégique vers le métavers et ses mondes numériques, apparaît toujours aussi flou.
« Le futur n'est pas si loin », a bien tenté de rassurer Mark Zuckerberg dès les premières minutes d'un clip de 1 h 30 alors que son groupe a déjà investi plus de 15 milliards de dollars dans les technologies du métavers. Mais rien n'est venu rassurer ou conforter les analystes qui ont tous maintenu leurs recommandations en l'état, sauf un qui l'a abaissée. Rien non plus n'est venu démentir les nombreux signaux laissant penser que les audiences des métavers restent en eau basse, un an après l'accélération du groupe californien dans le domaine. D'après le « Wall Street Journal » - qui, quelques jours après Connect, a eu accès à un document interne de Meta -, la réalité est peu encourageante : Horizon Worlds devait réunir 500.000 utilisateurs actifs mensuels à fin 2022 mais le groupe a réduit son objectif et n'en espère plus que 280.000, en deçà des 300.000 revendiqués dès février. Et à des années-lumière des 2 milliards d'utilisateurs de Facebook.
Des bonnes nouvelles auraient pourtant été très bienvenues. Même si Meta reste très rentable (près de 40 milliards de dollars de résultat net l'an dernier, plus de 6 milliards au dernier trimestre), l'entreprise cumule les déboires. Pour la première fois de son histoire, Facebook a perdu des utilisateurs fin 2021, attirés par d'autres plateformes comme TikTok. Son modèle économique historique - celui de Facebook et d'Instagram - est touché de plein fouet par une décision d'Apple qui bloque l'accès des applications aux données personnelles des propriétaires d'iPhone. Pis, ses algorithmes sont accusés d'attiser des mouvances prêtes à saper la démocratie.
« Le modèle économique de Meta n'est pas tenable, il n'est pas compatible avec la société que la majorité des utilisateurs veulent », assène Leila Mörch Pinchinat, responsable en Europe du projet Liberty (Institut McCourt) qui vise à concilier technologies, sciences de la gouvernance et sensibilisation des opinions pour faire émerger des réseaux sociaux alternatifs.
Passé ce constat qui n'a pas eu encore de grands effets économiques, quelles sont les options de Meta ? Les critiques du géant de la publicité l'imaginent sans mal appliquer dans le métavers la recette qui a fait son succès. Après tout, les casques de réalité mixte commercialisés depuis quelques années par Meta captent des données biométriques (tension, rythme du coeur) et environnementales (l'agence d'une pièce) qui pourraient nourrir des algorithmes de personnalisation de la publicité. Meta s'en défend. « Nos chercheurs travaillent pour faire mieux avec moins de données », expliquait Martin Signoux, un responsable des affaires publiques de Meta en France, invité la semaine dernière d'une conférence intitulée « Pour un métavers responsable ».
Un nouveau débouché
Avec ses casques de réalité mixte permettant de s'immerger dans des univers tout en pixels, l'entreprise de Mark Zuckerberg s'ouvre un nouveau débouché dans la vente de matériel informatique. Destiné cette fois-ci aux entreprises, contrairement à son prédécesseur plus grand public, le nouveau casque Quest Pro sera commercialisé la semaine prochaine au prix de 1.499 dollars. Mais encore faudra-t-il trouver des clients pour ce produit, alors que les professionnels préfèrent encore une visioconférence à une réunion immersive - même dans les entreprises qui bâtissent les métavers en réalité virtuelle ou augmentée… Quand ce sera le cas, Meta prévoit des logiciels pour simplifier la vie des services informatiques qui assureront la maintenance des casques et des comptes dédiés aux professionnels.
Au-delà des casques, qui ne seront d'ailleurs bientôt plus indispensables pour accéder à Horizon Worlds, Meta entrevoit aussi des revenus et du profit dans le métavers lui-même. « L'entreprise est profondément investie dans le métavers de A à Z. Et chaque niveau du métavers que nous construisons et fournissons aura son propre modèle économique », dépeint Mark Rabkin, vice-président chez Meta chargé de la réalité virtuelle. Pêle-mêle, il cite la vente de tickets pour des concerts dans le métavers, tout comme la personnalisation des avatars. Sans préciser davantage la manne économique que cela représenterait.
Métavers, bitcoin… et si l'on inventait des technologies vraiment utiles ?
Eric Le Boucher
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L'argent de la recherche n'est pas fléché vers des objectifs essentiels : la santé, l'éducation, l'eau, le réchauffement climatique… Et les innovations de robotisation, qui font disparaître des millions d'emplois de la classe moyenne, participent à la montée des populismes.
En 1910, Theodore Roosevelt dénonçait « l'esclavage des peuples par des grandes entreprises ». Lui ne proposait pas de les démanteler (elles le seront par les lois antitrust renforcées à partir de 1914) mais voulait « les remettre dans l'intérêt national ». En 2022, le même débat devrait s'ouvrir mondialement. A qui sert vraiment le métavers ? Le bitcoin ? L'intelligence artificielle ? L'implant de puces dans les cerveaux ? Et, même, la conquête de Mars ?
Les professeurs Maurice Stucke et Ariel Ezrachi décrivent les « Barons de la Tech », termes utilisés en référence aux « Barons voleurs » du temps de Roosevelt, pour nous mettre en garde contre « leurs innovations toxiques » (1). Ils s'introduisent dans « nos vies privées, notre autonomie, notre bien-être » pour les manipuler. Leur puissance de feu (Meta dispose de crédits de recherche aussi élevés que ceux de l'Etat français) leur permet non seulement « d'écraser » toute concurrence mais d'orienter nos façons de penser et de vivre.
Exagération ? Les risques de dérive vers « un capitalisme de surveillance » sont néanmoins trop gros pour qu'on n'y réfléchisse pas. Même chose, sur un autre plan, pour les innovations de robotisation et du remplacement systématique de l'homme par la machine, qui font disparaître des millions d'emplois de la classe moyenne et qui ne sont pas pour rien dans la montée des populismes.
Il ne saurait être question de « remettre les scientifiques au service du peuple », comme dans l'Union soviétique. Le lyssenkisme est une horreur autant qu'une erreur, le savant doit être libre comme l'artiste. Mais il est aussi faux de croire que les Etats ne peuvent rien. Tout au contraire : si l'Intranet a été inventé par les chercheurs, sa généralisation en Internet est venue des crédits du Pentagone. Le décollage des oies asiatiques du Japon, de Taïwan, de Singapour, puis de la Chine elle-même, a été propulsé par la volonté des gouvernements d'une innovation tournée vers l'exportation.
Le Covid a montré, très cruellement, comme les maladies rares et tropicales ont fait l'objet de trop peu de recherche, la médecine se mobilisant trop exclusivement pour prolonger la vie des riches du nord.
Globalement, l'Unesco, organisation de l'ONU pour la science et la culture, déplore que les crédits mondiaux aillent plus vers les armes que vers les recherches « utiles » c'est-à-dire correspondant aux objectifs du Millénaire de santé, d'éducation, d'eau et, aujourd'hui du réchauffement climatique.
Curieusement, le secteur de l'énergie, qui apparaît aujourd'hui si central, n'a fait l'objet que de faibles recherches en termes de crédits dans les années récentes. Une science « pour un meilleur développement » est urgente, résume l'organisation. L'humanité générant ses mécanismes autocorrecteurs, on se félicite de voir que les inventions les plus inutiles s'effondrent d'elles-mêmes. La chute des cryptomonnaies souligne que le dévoiement par des manipulateurs plus ou moins idéologues d'une bonne technologie, la blockchain, ruine vite les crédules. Mieux vaut jouer aux courses, au moins il y a derrière ce jeu un « fondamental », les merveilleux pur-sang.
La machine de Mark Zuckerberg, du métavers pour « retenir l'attention » des internautes en les plongeant dans le virtuel pendant des jours et des nuits, s'est grippée toute seule. Les chercheurs eux-mêmes ne vont pas dans le monde sur lequel on leur dit de travailler, ils n'y croient manifestement pas et les investisseurs commencent à renâcler à mettre de l'argent dans la rêverie du chef.
On pourrait en dire autant, ou presque, de l'intelligence artificielle, tout orientée sur l'automobile autonome. En Europe, tant mieux, commencent à se créer des start-up qui cherchent l'intelligence artificielle vraiment intelligente, celle qui ne remplace pas les enseignants ou les médecins mais les aident à être plus performants. Et puis il ne faut jamais désespérer : Meta, Google et Microsoft ont aussi des initiatives utiles en IA open source et il existe des financiers californiens qui persistent à les concurrencer.
Mais faut-il se rassurer avec ces seuls mécanismes autocorrecteurs ? Le bon sens finit-il toujours pas l'emporter ? L'innovation « qui travaille avec les humains plutôt que contre », selon l'expression de l'économiste Dani Rodrik (2) fait l'objet de multiples expérimentations et d'espoirs. Mais il estime qu'est venu le moment d'« une nouvelle orientation des politiques d'innovation ». Débat difficile, débat essentiel.
(1) Institute for New Economic Thinking, 29 août 2022.
(2) Project Syndicate, 9 février 2022.
Les Gafa au défi du Digital Market Act
Joëlle Toledano
La puissance de la régulation européenne et ses effets potentiels sont à la mesure des oppositions qu'elle va rencontrer auprès des entreprises concernées.
Largement contestée par les développeurs comme par les consommateurs, la gestion des magasins d'application, l'AppStore comme Google Play, est clairement concernée par le Digital Market Act (DMA). Ce fameux règlement européen sur les marchés numériques destiné à cantonner le pouvoir des Gafa pourrait même avoir des conséquences inattendues sur l'industrie mondiale des jeux vidéo !
De fait, les jeux représentent les deux tiers des dépenses des consommateurs sur mobile, de l'ordre de 100 milliards d'euros, la moitié du marché total des jeux. Industrie en forte croissance, ses technologies sont au coeur du Web de demain. Selon gamesindustry.biz, le nouveau texte accorderait à Epic Games (et à ses semblables) créateur et distributeur important de jeux vidéo, en procès avec Apple depuis 2020 sur les modalités d'accès à l'AppStore, la victoire qui lui a pour l'instant été refusée par les tribunaux américains.Le « Brussels effect », théorisé par Anu Bradford, professeur à l'université Columbia comme l'effet de contagion du modèle réglementaire européen réputé pour sa capacité normative à influencer le reste du monde, pourrait ainsi être à l'oeuvre. La puissance du DMA et ses effets potentiels sont à la mesure des oppositions qu'il va rencontrer auprès des entreprises concernées. Dans la mesure où la mise en oeuvre pourrait aller au-delà du seul marché européen, c'est bien l'évaluation du risque mondial qui guidera les réactions des entreprises régulées.
Que peuvent-elles faire ? Rendre inopérantes les mesures, repousser leur application, « limiter les dégâts » en dessinant les contours d'une mise en oeuvre réduite à sa portion congrue ? Derrière la dizaine de gatekeepers concernés (à commencer par Google, Apple, Facebook-Meta, Amazon, Microsoft), il y a plusieurs dizaines de plateformes essentielles autour de chaque géant du numérique qui devront respecter les obligations - une vingtaine mais toutes ne s'appliqueront pas - du DMA. Les stratégies vont varier selon les acteurs, leurs modèles économiques, leurs perceptions des enjeux économiques et évidemment de la capacité de l'Europe à les mettre en oeuvre. La question des moyens financiers, techniques et humains dont doit disposer la Commission pour avoirla capacité d'appliquer le DMA a déjà été soulignée par plusieurs observateurs. Le Parlement européen vient de renouveler cette exigence avec d'autant plus de vigueur que la Commission semble encore loin du compte.
Selon une étude récente de l'Autorité chargée de la concurrence britannique (CMA), les magasins d'applications de Google et d'Apple représentent des flux de revenus substantiels et croissants. En s'appuyant sur des pouvoirs de marché tout aussi substantiels, leurs contributions respectives à la marge sont sensiblement supérieures à celles déjà très élevées des deux maisons mères. Le pouvoir de marché d'Apple sur les développeurs comme sur les consommateurs dans l'AppStore s'est illustré récemment par l'évolution de son système d'exploitation qui organise la demande de consentement des applications tierces. Ce nouvel aménagement a conduit à une baisse sensible des ressources publicitaires et des hausses tarifaires. D'après le cabinet Apptopia, les prix auraient augmenté de 40 % en 2021, avant la nouvelle hausse annoncée dans de nombreux pays, dont la zone euro.
A la différence de Google qui a opéré, sous la pression, quelques replis stratégiques dans ses rapports avec les médias ou sur Google Chrome, Apple s'appuie sur des arguments comme la sécurité ou la protection des données personnelles pour justifier une souplesse limitée. Quelles seront les stratégies d'Apple et de Google avec leurs magasins d'applications respectifs ? Pour l'instant, malgré les projets de lois américains, les procès et procédures nombreuses partout dans le monde, les concessions ont été limitées et similaires. Vont-ils se désolidariser ? Vont-ils traiter différemment les jeux des autres apps ?