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Photo du rédacteurThierry Bardy

Devenir autosuffisant dans les semi-conducteurs ? Un mirage, juge le BCG


Publié le 27 avr. 2021

En matière de semi-conducteurs, devenir autosuffisant à 100 % serait à la fois vain, coûteux et inefficace. Mieux vaut exploiter la « supply chain » mondiale et investir, de façon ciblée, dans les puces les plus stratégiques. C'est la conclusion du Boston Consulting Group (BCG) et de la Semiconductor Industry Association américaine dans un nouveau rapport de 50 pages sur ces précieux composants électroniques.

L'étude sonne comme une mise en garde pour l'Europe et les Etats-Unis, alors que les deux puissances cherchent à muscler leur filière. Ces dernières semaines, une pénurie mondiale a révélé leur dépendance extrême à l'Asie et notamment à Taïwan.

Selon le BCG, une telle stratégie d'autosuffisance nécessiterait entre 900 milliards et 1.225 milliards de dollars pour chaque région du monde. Soit six fois plus que les dépenses de R&D de toute l'industrie des semi-conducteurs en 2019 ! En plus d'être colossal, ce montant ne couvrirait même pas les besoins futurs, en pleine explosion.

A cela s'ajouteraient entre 45 et 125 milliards de dépenses opérationnelles annuelles… Et en bout de chaîne, ce choix augmenterait de 35 % à 65 % le prix des composants. « Dans les semi-conducteurs, la souveraineté passe par les alliances, estime François Candelon, directeur associé senior au BCG et coordinateur du rapport. C'est une industrie si capitalistique que l'on ne peut pas se permettre de ne pas travailler ensemble. »

Une chaîne de valeur éclatée

Le BCG ne sous-estime pas la dépendance actuelle à l'Asie. Taïwan, la Corée du Sud et la Chine dans une moindre mesure produisent 75 % des semi-conducteurs de la planète - contre seulement 12 % pour les Etats-Unis et 9 % pour l'Europe.

Taïwan et la Corée du Sud fabriquent même… 100 % des puces mémoire de moins de 10 nanomètres, parmi les plus fines du secteur. Or les deux pays sont parmi les points les plus « chauds » du globe, ce qui place l'offre de puces sous pression. Les tensions entre la Chine et Taïwan sont montées d'un cran ces dernières semaines, tandis que la Corée du Sud doit composer avec son turbulent voisin, la Corée du Nord.

Mais derrière ces grandes masses, la distribution de la valeur est bien plus éclatée. Les Etats-Unis règnent en maître sur les activités les plus gourmandes en R&D. Par exemple, le design des puces ou la fabrication des machines. A l'inverse, la Chine s'est spécialisée pour le moment dans l'assemblage, l'emballage et le test des puces, trois activités à moindre valeur ajoutée.

Théorie des avantages comparatifs

C'est cette hyperspécialisation - un exemple concret de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo - que le BCG préconise d'exploiter. L'idée : investir dans la production des puces les plus stratégiques, mais aussi les plus consommées localement. Par exemple, les puces pour les réseaux télécoms, les super-ordinateurs, les centres de données, la défense et le spatial.

« Seuls les Etats-Unis, avec Intel, pourraient à la limite se permettre de devenir autosuffisants, à condition toutefois de sécuriser Taïwan », estime François Candelon. Dans ce cas, 400 milliards de dollars seraient nécessaires afin que les Etats-Unis puissent répondre à leur demande interne.

Or selon le BCG, 50 milliards seraient déjà bien suffisants pour construire 19 nouvelles usines de puces dans les dix ans à avenir. C'est justement pile le montant que Joe Biden a mis sur la table dans le cadre de son méga-plan sur les infrastructures à 2.000 milliards de dollars…

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