Anne Feitz
La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui contraint les entreprises à de nouvelles obligations de publication extra-financière, s'appliquera sur l'exercice 2024.
Les entreprises vont devoir se préoccuper sérieusement d'environnement. En tout cas, de façon formelle et exhaustive : la nouvelle directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui va les contraindre à insérer dans leur reporting extra-financier toute une série de nouveaux indicateurs, entre en vigueur en 2024. « C'est un tsunami, qui les chamboule réellement », assure Marie Georges, chez Accenture.
Plus précisément, les entreprises devront publier, à compter de 2025, des informations détaillées en matière sociale, environnementale et de gouvernance. « Ce reporting va porter sur l'exercice 2024 : beaucoup ont d'ailleurs déjà commencé à travailler », témoigne de son côté Sébastien Mandron, membre du bureau du Collège des directeurs du développement durable (C3D).
Impact sur la biodiversité
Cette obligation concernera les entreprises de plus de 250 salariés et réalisant plus de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires ou 20 millions d'euros de total de bilan (soit environ 50.000 sociétés en Europe). Mais les plus petites bénéficieront d'un délai supplémentaire pour s'adapter. Toutes devront en tout cas fournir un effort important, même si en France la plupart d'entre elles doivent déjà publier une déclaration de performance extra-financière (DPEF).
« Elles sont déjà tenues de publier des données sociales ou des informations sur leurs émissions de CO 2 , par exemple. Mais avec la CSRD, elles devront aller plus loin, notamment en matière d'environnement : elles devront, par exemple, renseigner leur stratégie dans l'eau et les déchets, sur laquelle il n'y a quasiment rien aujourd'hui. Ou encore, détailler leur impact sur la biodiversité , une notion particulièrement complexe », explique François Stragier, du BCG. Sur le papier, la CSRD requerra quatre fois plus de données que la DPEF.
La directive liste 1.178 indicateurs potentiels, parmi lesquels les entreprises devront déterminer lesquels sont pertinents dans leur cas particulier. Il leur faudra aussi définir dans chaque domaine (eau, déchets, etc.) une trajectoire et un plan d'action pour l'atteindre. Ce reporting sera audité par un professionnel indépendant, au même titre que les données financières. « C'est la première fois que le financier et l'extra-financier seront liés », relève Marie Georges.
Selon François Stragier, un bon tiers des grands groupes du CAC40 se sont déjà attaqués à la question. « Et les autres s'y mettent », indique-t-il. Certains ont commencé à se doter des compétences nécessaires, à nommer des « chief sustainable finance officers » (directeurs de la finance durable), à désigner des responsables dans toutes les strates des organisations. « Dans certaines entreprises, le sujet peut occuper jusqu'à 60 personnes », témoigne Marie Georges.
Stratégie à moyen et long terme
Il ne s'agit pas seulement d'un sujet de reporting : les entreprises vont devoir intégrer les problématiques correspondantes dans leur stratégie à moyen et long terme. « Ces sujets ont vocation à remonter aux conseils d'administration. On constate une vraie dynamique : depuis six mois, j'ai organisé chaque semaine des réunions pour les administrateurs, qui ont à chaque fois attiré entre 40 et 100 personnes ! » indique Sébastien Mandron.
Si les grands groupes ont pris de l'avance, dans les petites entreprises, c'est une autre histoire. Selon une étude que vient de réaliser le cabinet Baker Tilly auprès de 300 entreprises européennes, seules 12 % d'entre elles se sentent presque prêtes, et 29 % ne s'estiment pas du tout préparées : si 72 % affirment avoir déjà une stratégie ESG formalisée, elles sont 62 % à utiliser Excel pour faire remonter les données.
La Confédération des PME (CPME) a dénoncé début octobre un « fardeau normatif », et le Sénat a lancé dans la foulée, début novembre, une mission flash sur le thème « Directive CSRD : la complexité de trop pour les PME ? » - qui n'a pas encore rendu ses conclusions.
À noter
Selon l'étude d'impact de la Commission européenne, la CSRD renchérira les coûts annuels de reporting des entreprises de 3,6 milliards d'euros, auxquels s'ajouteront 1,2 milliard de surcoûts ponctuels.
Comments