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  • Photo du rédacteurThierry Bardy

Intrapreneuriat : la destruction créatrice remise en cause



Michel BerryChristophe Deshayes


Il faudrait tout casser pour innover. Pratiquer systématiquement la « destruction créatrice » théorisée par l'économiste Joseph Schumpeter, qui serait devenue l'une des rares lois d'airain de la science économique. Et donc mettre le paquet sur les start-up (jeunes pousses, en français) pour faire advenir le monde qui vient et prendre l'avantage sur la concurrence. Cette vision exclusive est erronée. Non seulement parce qu'elle prend des libertés avec la pensée de Schumpeter, mais aussi et surtout car il existe en réalité d'autres voies. La volonté des hommes a toujours su infléchir les forces de la nature et des communautés humaines.

Développée au Japon au XIVe siècle, la technique Daisugi consiste à tailler les arbres de façon à multiplier les rejets et sélectionner uniquement les pousses les plus droites et les plus verticales. Il est ainsi possible à intervalles réguliers de couper ce deuxième étage de troncs (grumes) sans abattre le tronc principal. Le bois ainsi « récolté » est plus rectiligne et plus résistant que le bois habituel. Il a beaucoup de valeur pour la construction. L'arbre porteur, un cèdre japonais, atteint souvent les trois ou quatre cents ans.

Si la règle naturelle dominante voit la décomposition des organismes anciens servir d'humus nourriciers aux nouveaux, il ne s'agit pas d'une règle absolue surtout quand s'en mêle la volonté d'hommes connaissant et respectant les forces de la nature.

Cet été, le groupe Casino a cédé sa filiale GreenYellow pour 1,4 milliard d'euros, faisant de cette start-up intrapreneuriale la première à dépasser le cap du milliard qui marque l'entrée dans le monde des licornes. Cette entreprise n'est pas née à côté du groupe mais en son sein, pour valoriser ses importantes surfaces de toitures sous-utilisées en y installant des panneaux solaires. Le nouveau-né n'a pas été couvé par un incubateur mais par la direction de la stratégie et du plan. L'entreprise ne s'est pas développée en neuf mois mais en quinze ans.

Sa valeur n'est pas le fruit d'une avantageuse anticipation des bénéfices futurs mais surtout la valorisation d'actifs réels dans les 16 pays où elle est présente. Elle a permis aux magasins du groupe de devenir exemplaires avant l'heure en réduisant leurs factures énergétiques de 25 % tout en passant au renouvelable. Elle s'est aussi ouverte à de nombreux magasins concurrents et collectivités locales. Cette aventure n'est pas isolée dans le groupe Casino, qui n'a jamais pratiqué les plans d'intrapreneuriat reposant implicitement sur les principes méthodologiques des start-up. Plusieurs autres filiales du groupe tentent depuis quelques années de recombiner autrement des actifs existants du groupe à la façon Daisugi.

L'entreprise Les Prés Rient Bio, filiale bio et équitable de Danone (qui porte la marque Les 2 Vaches), est un autre exemple de firme qui a su se développer à partir du tronc protecteur et nourricier du grand groupe tout en ayant sa propre dynamique, ses méthodes et son marketing propres. Là encore, cette aventure intrapreneuriale ne correspond pas aux canons de la méthode start-up mais plutôt à ce que l'on serait tenté d'appeler la méthode Daisugi, ou la méthode Phénix, la méthode des grandes entreprises qui se réinventent, revivifient leur culture entrepreneuriale et étendent leur responsabilité sociale et environnementale.

Il est temps de porter notre regard au-delà des seules start-up, de documenter ces méthodes mal connues et de les enseigner dans les écoles de management ou d'ingénieurs comme dans les formations continues, car le ressourcement des entreprises existantes est un autre moyen puissant d'accélérer les transformations dont la société et la planète ont urgemment besoin.

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