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Photo du rédacteurThierry Bardy

L'immobilier virtuel fait ses premiers pas avec des prix retentissants



Elsa Dicharry


Les premiers achats de parcelles ou de propriétés dans les méta-univers ont atteint des prix fous. Mais quel sera vraiment l'avenir de ce marché encore balbutiant ? Les experts sont dans l'expectative.

Vous rêveriez d'avoir un terrain mitoyen de celui du rappeur américain Snoop Dogg ? C'est désormais possible… au moins dans les métavers, ces mondes virtuels fictifs qui fleurissent grâce aux nouvelles technologies de la réalité virtuelle et augmentée. Mais il faudra y mettre le prix. Un anonymen'a pas hésité, ainsi, à payer 450.000 dollars pour une parcelle dans The Sandbox, située à côté de celle de son idole. Néanmoins, les exemples de particuliers ayant acheté des terrains ou propriétés numériques restent rares. Pour l'instant, les quelques transactions spectaculaires qui ont animé ce marché virtuel naissant ont plutôt été le fait d'entreprises spécialisées. En décembre 2021, Republic Realm a acheté une propriété dans le méta-univers The Sandbox pour la somme record de 4,3 millions de dollars. Un peu plus tôt, Metaverse Group avait déboursé 2 millions pour prendre pied dans la Fashion Street du Decentraland.

Quelques marques de luxe ou de sportwear comme Dolce & Gabbana, Nike ou Adidas ont aussi commencé à investir ces espaces virtuels fictifs où l'on peut jouer, participer à des fêtes, faire - du shopping - pour soi-même ou pour son avatar -, et où tout s'acquiert en cryptomonnaies.

« Un coup de pub »

L'idée est de créer des centres commerciaux ou des boutiques qui deviendront les sites d'e-commerce de nouvelle génération. Ou encore des lieux de loisirs qui généreront du cash grâce à des droits d'accès, un peu à la façon des vrais parcs d'attractions.

Investir dans l'immobilier dans les métavers, idée folle ou pari génial ? « Cela peut apparaître sexy, mais il y a beaucoup de spéculation et les prix sont déments », alerte Karl Toussaint du Wast, cofondateur de la société de conseil en gestion de patrimoine Netinvestissement. Pour lui, mieux vaut s'abstenir pour le moment ou alors le faire « pour le fun » sans espérer en tirer une quelconque rentabilité. Ou, comme certaines marques, pour s'offrir « un coup de pub ».

« Pour l'instant, on a un marché avec un tout petit nombre de propriétaires et un nombre réduit d'utilisateurs - pas du tout à l'échelle des grands réseaux sociaux. Et il est impossible de connaître la vérité des prix », estime de son côté Robin Rivaton, essayiste et investisseur dans la proptech - les start-up de l'immobilier. En outre, note-t-il, « si le foncier est contraint dans chacun des métavers - avec un nombre de parcelles défini au départ -, il peut exister une infinité de métavers ».

L'inconnue réside sur le ou les métavers qui finiront par être les plus prisés des utilisateurs, les plus fréquentés et donc les plus valorisés. Il peut ainsi apparaître risqué d'investir aujourd'hui dans un univers qui pourrait être détrôné. « Actuellement, personne ne peut dire qui sera le vainqueur. Le jour où Facebook lancera son métavers, cela risque d'avoir un impact sur les métavers déjà anciens », poursuit Robin Rivaton.

Régulation du marché

« Comme dans le monde réel, les prix varieront en fonction de l'emplacement et de la rareté, complète Karl Toussaint du Wast. Un terrain coûtera plus cher s'il est situé dans l'équivalent virtuel de l'avenue de Montaigne à Paris ou du carré d'or de Monaco, que dans le désert du Texas. »

Pour lui, le marché immobilier du métavers devrait être investi au fil du temps par des institutionnels, à mesure qu'il se régulera et deviendra plus transparent. Les grands spécialistes français de l'immobilier sont-ils prêts à sauter le pas ? Unibail-Rodamco-Westfield, le numéro un des centres commerciaux en Europe, qui exploite notamment Les 4 Temps à La Défense, le Forum des Halles à Paris ou la Part-Dieu à Lyon, dit « y réfléchir ». « On peut imaginer que certains créeront des répliques virtuelles de leurs centres commerciaux. Mais ce sera sans doute de façon marginale, plus dans un objectif de communication que de rééquilibrage d'un portefeuille d'actifs et de prise de positions stratégiques », estime Robin Rivaton.

« Réaliser un rêve »

Lorsque l'accès aux casques de réalité augmentée se sera démocratisé, ces acteurs pourront aussi capitaliser sur leurs actifs physiques puisqu'il s'agira « de faire fusionner le monde réel - par exemple un magasin - avec une surcouche virtuelle », poursuit-il.

Les particuliers feront sans doute plus tardivement leur entrée sur le marché immobilier du métavers. « Ils y viendront d'abord pour consommer. Puis ils pourront avoir envie de s'y acheter une maison de luxe, parce que cela sera un faire-valoir social. Et une façon de réaliser un rêve qu'ils n'ont pas pu réaliser dans leur vraie vie », estime Karl Toussaint du Wast. A condition tout de même que les tarifs soient abordables.

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