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  • Photo du rédacteurThierry Bardy

L'ordinateur quantique : quel enjeu pour les entreprises ?


Alain Aspect

Pourquoi parle-t-on d'une « deuxième révolution quantique » ? La première révolution a débouché sur des applications qui ont changé le monde, comme les ordinateurs, les téléphones portables, l'IRM ou encore le laser et les LED. La seconde révolution conduira vraisemblablement à d'autres innovations de rupture, notamment l'ordinateur et les communications quantiques. Ces technologies transformeront-elles notre société comme l'ont fait le transistor et le laser ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais si les technologies quantiques tiennent leurs promesses, les entreprises ou les Etats qui n'auront pas investi dans ces technologies accuseront un retard difficile à combler.

La demande en puissance de calcul n'a cessé de croître au cours des dernières décennies, particulièrement avec l'avènement du big data, de l'IA et le besoin de simulations numériques de plus en plus précises. Jusqu'à présent, cette demande a été satisfaite par des « supercalculateurs », mais ceux-ci sont coûteux et de plus en plus gourmands en énergie. Les ordinateurs quantiques pourraient être la solution, raison pour laquelle quelques grands industriels et beaucoup de pays investissent massivement.

Le concept d'ordinateur quantique a été rendu possible par un certain nombre de percées expérimentales réalisées à partir des années 1970.

D'abord, nous avons appris à observer et à contrôler des objets microscopiques individuels. Auparavant, nous ne pouvions manipuler que des particules en très grand nombre. Aujourd'hui, nous pouvons capturer un électron ou un atome seul pour l'observer voire le contrôler. Nous pouvons également émettre un photon individuel et l'utiliser.

La deuxième série d'avancées concerne l'intrication quantique décrite pour la première fois par Einstein, Podolsky et Rosen en 1935, et concevable uniquement dans le cadre de la physique quantique. Deux particules intriquées forment un ensemble quantique qui contient plus d'informations que la somme des informations contenues dans chaque particule. C'est cette propriété qui rend possible l'informatique quantique : au lieu de se contenter de deux bits quantiques intriqués (qubits), on encode l'information quantique dans trois, quatre, cinq, dix ou cent qubits… La quantité d'information contenue dans ces particules par rapport à une mémoire classique est gigantesque et croît de manière exponentielle. Pour N qubits, il y a donc 2N états de base possibles, et toutes leurs combinaisons. Ceci est sans commune mesure avec une mémoire classique à N bits.

L'utilisation des principes de la physique quantique dans l'informatique et les technologies de l'information a émergé dans les années 1980 avec les travaux de Richard Feynman puis de David Deutsch et Richard Jozsa, qui ont développé le premier algorithme quantique. Il s'agit d'une séquence d'opérations logiques basées sur les principes d'intrication et de superposition, capable de résoudre un problème plus rapidement que n'importe quel algorithme traditionnel connu.

En 1994, le développement de l'algorithme de Shor - conçu pour fonctionner sur un ordinateur quantique - a également constitué une avancée majeure dans le décodage des protocoles de cryptage utilisés sur le web.

Nous sommes encore loin d'un véritable ordinateur quantique car les qubits dont nous disposons aujourd'hui sont instables et subissent ce que l'on appelle la « décohérence » lorsqu'ils interagissent avec leur environnement. Ils se comportent alors comme des objets classiques et perdent l'information quantique qu'ils contiennent. Cette difficulté pourrait être néanmoins surmontée plus rapidement que prévu.

Par exemple, on pourrait trouver un sous-espace d'états quantiques protégés de la décohérence. Dans ce cas, un ordinateur quantique pourrait voir le jour d'ici à quelques années. L'histoire a prouvé à maintes reprises que si quelque chose n'est pas interdit par une loi fondamentale de la physique, les savants et les ingénieurs parviennent tôt ou tard à le réaliser. Si le problème de la décohérence n'est pas résolu à court terme, nous pourrons utiliser des ordinateurs quantiques « dégradés ». Ces machines de taille intermédiaire, qui existent déjà, sont plus efficaces que les ordinateurs conventionnels pour certaines tâches. Plus efficace ne signifie pas seulement plus rapide, mais aussi moins gourmand en énergie.

Il sera crucial pour les entreprises de disposer en interne d'experts en physique quantique capables de mettre en oeuvre ces avancées. Aujourd'hui, il y a une pénurie de personnes compétentes en physique quantique, et je pense que les entrepreneurs doivent s'associer aux universités pour s'attaquer plus efficacement à la question de la formation aux technologies quantiques, du bac pro au doctorat, comme nous commençons à le faire dans la collaboration entre l'Institut d'Optique (Paris-Saclay), l'IUT (Paris-Saclay) et iXcampus.

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