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  • Photo du rédacteurThierry Bardy

« La transition doit être portée par l'action publique et le monde économique »


Marie Frumholtz

Un fossé persiste entre les bonnes intentions déclarées des consommateurs et leurs actes d'achat. Comment l'expliquer ?

Il existe un écart entre ce que l'on appelle les attitudes, c'est-à-dire les opinions, d'un côté et les pratiques de l'autre. On appelle cela le « value-action gap ». Les attitudes se constituent à partir des valeurs qui circulent dans le débat public, mais aussi au sein de réseaux de proches. Pour les pratiques, c'est différent. Nos modes de vie, nos façons de consommer, de nous déplacer, nous alimenter, dépendent beaucoup des offres qui sont mises à disposition, des injonctions du secteur marchand, des normes sociales autour des pratiques statutaires.

Ainsi, par exemple, on observe chez les jeunes adultes urbains des attitudes favorables à l'environnement, comme une alimentation moins carnée, l'usage du vélo, etc., mais aussi le recours à du transport aérien dont on connaît les impacts environnementaux. Les encouragements à voyager et les offres low cost qui ont rendu l'avion plus accessible y sont pour beaucoup.

Nos pratiques sont fortement encastrées dans des systèmes d'opportunités et de contraintes qui leur donnent cette apparente incohérence. Comprendre comment ces pratiques sont régulées collectivement permet d'éviter d'être trop naïf sur la capacité des individus à les changer.

Cet écart s'est-il creusé depuis la pandémie et le début de la crise inflationniste ?

L'inflation change profondément la donne. Elle rend les opportunités plus ou moins accessibles. Elle a, par exemple, eu des impacts forts sur l'alimentation, et plus encore sur l'alimentation favorable à l'environnement. Les pratiques des ménages doivent s'adapter à ces contraintes et les priorités peuvent changer. Mais leurs capacités d'adaptation sont plus fortes qu'on ne l'imagine. Le contexte pandémique a changé les modes de vie et il a fallu s'y adapter. Quand ces contraintes liées au Covid ont disparu, les pratiques se sont adaptées à nouveau. Nous n'assistons pas à un retour à la normale, car il n'existe pas de normale, mais bien des contextes qui contribuent à orienter les comportements.

Les inégalités sociales sont-elles un frein au développement de la consommation responsable ?

Pousser à la sobriété dans un contexte où la consommation est aussi encouragée, parce qu'elle est considérée comme le moteur de l'économie, ne saurait être efficace. Par ailleurs, tous les ménages ne sont pas au même niveau et ces encouragements à la sobriété peuvent être vécus très violemment pour ceux qui n'ont pas accès à grand-chose, qui vivent dans des logements peu efficaces sur le plan énergétique ou qui dépendent de leur voiture pour pouvoir travailler. Le modèle de l'écoresponsabilité est en crise, il est générateur de tensions sociales.

Imaginer que les consommateurs vont pouvoir changer les manières de produire est illusoire. La transition doit être portée par l'action publique et le monde économique. Les comportements individuels sont plus des résultantes que des leviers.

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