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  • Photo du rédacteurThierry Bardy

Le métavers, un nouvel enjeu de souveraineté



Matthieu Courtecuisse


Pas une semaine sans une nouvelle annonce des géants de la tech sur le métavers, sans levée de fonds record ou sans initiative de grande marque. Nous assistons à une course des investissements pour déployer les nombreux objets captant l'accès entre les mondes physique et virtuel. Le nouveau défi industriel lancé dans les domaines de l'électronique et des semi-conducteurs est aussi stratégique que la dimension logicielle. Le métavers bouleverse tout : modes de travail, consommation, applications industrielles, divertissement, médecine, éducation, relations amoureuses… Ces usages, articulés avec la réalité augmentée, se développent dans une nouvelle forme d'extraterritorialité. Plusieurs métavers vont cohabiter puis interopérer, selon la volonté des industriels et la pression des consommateurs. Quelle sera la place des Etats ?

Cinq instruments de souveraineté doivent être repensés. Tout d'abord, l'identité numérique des avatars. Quelle en sera la gouvernance ? Est-ce que nos avatars seront dotés d'une carte d'identité, sans possibilité d'anonymat ? Souhaitons-nous des frontières pour respecter certaines lois du monde physique ? Y aura-t-il une forme de régulation sur la ressemblance ? Allons-nous suivre les comportements addictifs ? Deuxième pilier, la monnaie et les NFT. Sera-t-il possible de faire de la création monétaire ? La BCE doit-elle accélérer le déploiement de l'e-euro ? Les stablecoins américains vont-ils dominer ? Quelle régulation de la lutte antiblanchiment et autres fraudes ? Troisième enjeu sur la protection de nos données, désormais en 3D, à commencer par notre corps.

La multiplication des capteurs est au coeur de l'expérience immersive et captera nos émotions. C'est infiniment plus puissant qu'une montre connectée des années 2010. Leur exploitation en matière de publicité ou de santé est en rupture par rapport à l'existant. Quatrième enjeu : la définition de la propriété intellectuelle ou de territorialité juridictionnelle, pour résoudre les activités illégales, les litiges, les agressions et les conflits.

Est-elle rattachée aux nationalités des individus incarnés par les avatars ? Ou est-ce de facto le 51e Etat américain ? Enfin, dernier enjeu moins régalien mais tout aussi décisif : la nouvelle lutte autour des codes culturels. Un nouvel imaginaire collectif et culturel, inspiré du gaming et aussi puissant que celui de Hollywood, émerge, formaté par des nouveaux marqueurs non européens comme le street art, la culture californienne, ou encore la K-Pop. On imagine assez bien le positionnement naturel des trois grands blocs géopolitiques : une volonté de contrôle en Chine avec la création probable d'un écosystème isolé du monde, un alignement public/privé aux Etats-Unis, et une priorité pavlovienne régulation en Europe…

Pourtant, France 2030, plan d'une très grande qualité, de même que les projets de directives européennes sur le digital, évoquent à peine l'immersion et font l'impasse sur le centre de l'avenir du numérique, alors que ce nouveau monde va capter une partie de la valeur, au moins proportionnelle au temps que nous y passerons. La présidence française de l'UE est une formidable occasion pour pivoter, se coordonner avec les Etats-Unis et se pencher sur l'avenir plutôt que perdre son temps à vouloir rattraper notre retard sur l'Internet d'hier ou à réguler l'innovation des autres.

Commençons par un grand programme européen de formation à la 3D dans un contexte de pénurie de compétences, et un financement massif par la commande publique de nos filières du logiciel ou de l'éducation. Il faut d'urgence allouer des budgets d'ordre culturel importants, en capitalisant sur nos points forts tels les musées ou les scènes musicales, mais aussi en mettant en scène nos représentations culturelles. Le métavers sera un enjeu de souveraineté et… de civilisation.

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