C. B.
Le secteur du luxe est l'un des pionniers dans l'exploration des possibilités ouvertes par les NFT et le métavers. Il multiplie les initiatives, certains groupes commençant même à dédier des équipes et des pôles.
Le luxe rime en principe avec savoir-faire ancestral et mise en valeur de l'histoire de chaque maison. Mais il devient aussi de plus en plus synonyme d'usage accéléré des technologies. Rien d'étonnant alors qu'il figure parmi les plus en pointe dans l'exploration des différentes facettes du métavers et des NFT, ces jetons numériques certifiés.
« Chacune de nos maisons aborde cet énorme sujet. Elles testent l'appétence des clients. Le luxe représente l'expression d'individualités. Il faut donc voir comment, à travers le métavers, les NFT, nos produits et nos marques vont pouvoir la favoriser et apporter de nouveaux services. Dans notre secteur comme dans les autres, ces interactions virtuelles restent minoritaires aujourd'hui. Mais s'il n'y a pas encore d'interopérabilité permettant de passer d'un monde à l'autre, il est indispensable d'anticiper l'avenir », élabore Michael David, directeur de l'omnicanal du groupe LVMH (propriétaire des « Echos »).
Avec, à la clé, la nécessité de se structurer autour de ce futur Web 3.0. « Au sein de nos équipes, des personnes y sont dédiées. Elles seront rejointes par un 'Head of Metaverse' qui coordonnera les initiatives des différentes maisons pour les ancrer dans la durée. La mode, la joaillerie et l'horlogerie, les vins et spiritueux sont particulièrement concernés par ces besoins de transcription émotionnelle forte dans le monde virtuel », renchérit Franck Le Moal, directeur des systèmes d'information du groupe. Qui souligne que le travail réalisé depuis quelques années sur la blockchain a préparé le terrain.
Le groupe italien OTB, qui détient notamment Maison Margiela et Marni, a mis, pour sa part, sur pied Brave Virtual Xperience, un centre chargé de développer des projets et produits autour des mondes virtuels. Balenciaga, qui s'illustrait déjà en s'affichant sur Fortnite via des tenues virtuelles et une boutique inspirée de ses véritables magasins, a, lui, annoncé le mois dernier qu'il créait une entité dédiée au métavers.
Utilisation des différentes plateformes
Les griffes sont d'ores et déjà très nombreuses à se mettre en scène sur les différentes plateformes. Moncler collabore avec Fortnite quand Marc Jacobs investit Animal Crossing et Ralph Lauren la plateforme Roblox. Pour son bicentenaire, Louis Vuitton a donné naissance à son propre jeu vidéo intégrant des NFT à gagner dont une dizaine de l'artiste digital Beeple.
Les collections NFT de Dolce & Gabbana sur UNXD ont rapporté à la marque, pour 9 pièces, pas moins de 5,6 millions de dollars. Les clients ont pu se faire fabriquer une version physique de ces vestes ou couronnes. Chez Gucci, un sac a même fini par être payé sur Roblox à un autre joueur plus cher que si l'emplette avait été faite pour de vrai en magasin.
« Les mondes virtuels et le métavers créent un nouveau contrat social autour de la création. Le mode immersif permet de faire vivre des moments hors du commun aux gens. Quand on achètera une robe en NFT, elle nous servira à habiller notre avatar, à la porter sur les réseaux sociaux. Certains l'auront sous forme digitale, d'autres en réel. Il faut réaliser des ponts entre les deux sans reproduire à l'identique ce qui existe dans la vraie vie », juge Patrizio Miceli, fondateur de l'agence créative spécialiste du luxe Al Dente. Cette dernière a acquis un terrain dans The Sandbox pour fournir une passerelle vers ces nouveaux univers à ses clients.
« Avec un sac, on pourra témoigner de son statut dans le métavers sans avoir forcément les moyens de l'acquérir sous forme d'objet. Le consommateur a la possibilité de se définir dans une communauté où il se sent protégé », ajoute Nathan Stern, directeur des études d'Altavia ShopperMind. Il souligne que, pour le moment, la typologie de clients est « encore jeune, geek, joueuse » et constituée « d'early Adopters ». Mais les profils évolueront au fil du temps.
Les marques auront intérêt à adapter leurs approches. « Aujourd'hui, on constate un éclatement des communautés avec différentes sous-cultures. Il va y avoir de nouveaux ambassadeurs de marque et influenceurs », observe Patrizio Miceli.
Une source réelle de nouveaux revenus
Le sujet devrait vite monter en puissance. Morgan Stanley estime que les mondes virtuels, via les NFT et les jeux, pourraient représenter un revenu supplémentaire de 50 milliards de dollars d'ici à 2030 dans le secteur de la mode et du luxe tout en faisant augmenter de 25 % le bénéfice avant intérêts et impôts.
« Le luxe pourrait rapidement tirer profit des NFT. Dans quelques années, les grandes marques de joaillerie et d'horlogerie en associeront un, probablement gratuit ou peu cher, à leurs bijoux ou leurs montres. Il contiendra les éléments de propriété, des services. Le NFT sera cédé avec le modèle si celui-ci est revendu », prédit Jodouin Mitrani, consultant média & technologie chez onepoint.
Une manière aussi de lutter contre les contrefaçons. Mais la médaille a son revers. Les marques de luxe vont également devoir se défendre dans le monde virtuel. Hermès n'a pas vu d'un bon oeil le projet des NFT MetaBirkins de l'artiste Mason Rothschild, en référence à l'un des sacs iconiques de la griffe et qui ont remporté un vrai succès sur OpenSea. La maison a envoyé une mise en demeure à celui-ci pour les faire retirer de la plateforme.
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