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  • Photo du rédacteurThierry Bardy

Pour une République plus territorialisée


Olivier Rouquan


Entre en débat au Parlement la loi dite « 4D », visant à réformer l'organisation territoriale de la République. Nombreux sont ceux qui s'inquiètent d'une décentralisation à géométrie variable, susceptible de contrarier l'indivisibilité républicaine. Cependant, en quoi adapter le droit à des situations différentes augurerait-il forcément d'un creusement des inégalités ? Plus d'équité dans la prise en compte des faits peut en effet contribuer à régénérer l'action publique et la démocratie.

La loi propose de différencier les compétences, voire l'organisation des collectivités locales relevant d'une même catégorie : communes, départements ou régions n'auraient plus partout la même configuration. Cette possibilité, exceptionnelle jusqu'à présent, deviendrait plus usuelle. Pour autant, la différenciation serait toujours limitée, proportionnée à l'objectif et conforme aux principes républicains. Les dérogations locales pourraient donc permettre à certaines collectivités de récupérer parfois des compétences gérées par l'Etat, alors qu'ailleurs sur le territoire ce dernier continuerait à les assumer. La loi envisage par ailleurs de décentraliser de nouvelles compétences.

Est-ce une révolution ? Non. Ni en matière de transfert de responsabilités (routes, pupilles de la nation, santé, écologie, etc.), ni en matière de dérogation normative, le projet ne va bien loin. Du reste, depuis plusieurs années, des collectivités au statut et compétences spécifiques se sont multipliées : Collectivité européenne d'Alsace, statut de la Ville de Paris, Métropole de Lyon. Autant dire que le mouvement est engagé.

Ainsi, l'évolution législative projetée n'engage nullement une transformation substantielle de l'Etat unitaire. Or, les crises que nous traversons exigent sans doute un saut qualitatif permettant aux « petits pays » de disposer de plus d'autonomie. Il ne s'agit en rien de renier l'indivisibilité. Mais face à l'hypertrophie présidentialiste incontrôlée, face aux dysfonctionnements d'un Etat devenu exsangue dans les territoires, un modèle plus pertinent pourrait résulter d'une responsabilisation plus forte des collectivités locales sur l'opérationnel, un regain étatique étant souhaitable sur le régalien, le contrôle et la gestion de crise.

Le Covid-19 indique en effet depuis plus d'un an que les communes, départements et régions se sont mobilisés et ont été réactifs, parfois plus agiles que l'Etat déconcentré. Certes sans démériter, les ARS et préfectures manquant de ressources humaines ont pu apparaître rigides et procédurières. Allons donc au bout d'une certaine décentralisation, pourquoi pas y compris en matière de santé - puisque bloc communal et départements se sont déjà emparés de la lutte contre la désertification médicale et les régions ont pris le relais logistique sur les masques ou tests pour suppléer aux carences… En contrepartie, l'Etat pourrait redéployer ses moyens pour être plus efficace sur les fonctions régaliennes et sur la gestion de crise au niveau central.

Une rationalisation poussant vers une décentralisation plus forte n'exclut pas de se préoccuper de légitimité politique. Plus responsables, les niveaux locaux seront aussi comptables de leurs résultats. Par ailleurs, l'Etat devra davantage négocier certains points avec les collectivités - la décision étant plus concertée, elle sera a priori moins contestée. Enfin, toujours au titre des valeurs démocratiques, des mécanismes de flux fiscaux remaniés garantis par l'Etat empêcheraient de confondre régionalisation souhaitable de l'Etat et montée des inégalités. Car il est faux de déduire de la forme juridique et administrative d'un Etat le fait qu'il est plus inégalitaire que son voisin ; par exemple, les Etats plus décentralisés d'Allemagne et d'Autriche - puisque fédéraux - ne sont pas plus inégalitaires que la France - Etat unitaire. Nous pourrions donc, par exemple, nous orienter vers un rehaussement normatif de la région comme collectivité territoriale : un point à débattre lors des élections de juin… si elles ont lieu !

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