2021 - ATELIER 5
Et si l'économie sociale était la solution !!!
Compte rendu de la séance Catherine Tanitte
L’économie sociale et solidaire (ESS) désigne un ensemble d’entreprises organisées sous différentes formes statutaires : les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations et les sociétés commerciales de l'ESS.
Ces entreprises cherchent à concilier activité économique et utilité sociale, avec pour ambition de créer des emplois et de développer une plus grande cohésion sociale.
Engagées dans leur manière de produire et de consommer, elles offrent de nouvelles possibilités d'entreprendre. Ces entreprises adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs.
Leur économique est d’abord consacré à l’humain, il poursuit des objectifs sociétaux, tout en favorisant le développement local à travers la création de richesse (activité, emploi, lien social).
Ces entreprises allient performance économique durable, impact environnemental, développement de l’emploi, lien social et rayonnement territorial.
A travers cet atelier consacré à l'économie Sociale et solidaire (ESS) le Club Open Prospective a souhaité (re)découvrir des modèles d’entreprise, un peu partout dans le monde, qui agissent pour réduire les inégalités plutôt que de contribuer à les creuser, qui évoluent dans une économie régénérative plutôt que prédatrice des ressources limitées de notre planète.
Lors cet atelier , le professeur Yunus nous a fait l'immense honneur d'intervenir en live vidéo pour la communauté de prospectivistes du club.
Professeur Muhammad Yunus, lauréat du prix Nobel de la paix en 2006 et fondateur de la Grameen Bank, la “banque des pauvres” (micro-crédit) : la vision du monde Trois Zéro (zéro pauvreté, zéro emprunte carbone et zéro chômage)
Synthèse de la vidéo
Les problèmes auxquels le monde doit faire face sont très clairs… et les solutions le sont tout autant. Pourtant, elles ne sont pas mises en œuvre. Prenons un exemple : la pauvreté. La pauvreté n’est pas la responsabilité des pauvres. Le problème réside dans le système en place qui met le profit avant toute chose et dans notre façon de penser le monde.
C’est cela qu’il faut changer. La nature humaine recèle d’énormes capacités. Mais nous ne sommes pas éduqués pour les exploiter. Nous sommes éduqués pour trouver un job et suivre les instructions que l’on nous donne. La solution : soutenir les capacités de chacun à créer une activité qui résolve des problèmes. Chacun, selon le Pr yunus, a le potentiel de devenir entrepreneur. C’est sur cette conviction qu’il a créé le micro-crédit : il suffit d’aider les gens, de leur donner un peu d’argent et n’importe qui peut réussir. Le système de micro-crédit soutient un modèle d’entreprise qui n’a pas pour objectif de maximiser son profit, mais celui de résoudre des problèmes.
Le Pr Yunus travaille avec des grandes entreprises (Danone, Véolia, Uniqlo, par exemple) pour essayer de développer le micro-crédit et le soutien au social business. Le principe : créer une structure qui associe Grameen et l’entreprise, et qui est une entité séparée des entreprises à l’origine de l’association. Avec une contrainte : la nouvelle entité s’engage à ne jamais verser de dividendes. S’il y a du surplus, il doit être réinvesti dans le « social business ». Pour Danone, par exemple, l’impact de cet engagement est considérable (voir infra).
L’avenir du social business ? Il faudrait que le social business soit plus largement enseigné dans le système académique pour que les jeunes générations aient conscience de son existence, ses capacités et qu’ils puissent choisir le modèle qui leur semble convenir le mieux aux enjeux de la société. Il y a des « social business centers » dans les universités en France (7 ou 8) et dans le monde (96 au total).
Deuxième intervention
Synthèse de l'intervention et présentation
Moin Chowdhury, directeur opérationnel des Five « eyes’ hospitals », de Grameen Kalyan (« Bien-être ») : le Social Business en action.
document de présentation :
Moin Chowdhury a présenté les trois initiatives qui ont structuré peu à peu l’action de Grameen dans le domaine de la santé au Bengladesh :
-
Grameen Kalyan qui a pour objectif de proposer des soins primaires à une population à faible revenu, et ce de manière abordable et durable
-
Grameen Health Care Services (4 hôpitaux spécialisés dans le traitement des maladies de yeux)
-
Grameen Health Ecosystem :écosystème complet de soins avec un hôpital généraliste de haute qualité, un centre hospitalier universitaire, un centre de formation d’infirmières, un institut de formation permanente.
Le tout dans une logique de social business : soins de haute qualité, tarifs abordables pour toute la population, dans le respect des contraintes environnementales. Les soins donnés aux plus démunis sont en partie financés par ceux qui peuvent payer et à qui il est imposé pour ce faire une tarification plus élevée.
Avec plus de 1 251 hab/km2 en 20165, le Bangladesh est l'un des pays du monde dont la population est la plus dense. Géographiquement, l'essentiel du Bangladesh est occupé par le delta du Gange 2. C'est une plaine fertile mais sujette aux cyclones tropicaux et aux inondations des moussons. Le pays est un des plus pauvres de la planète (au 145° rang sur 195 selon le critère du revenu par habitant).
Table ronde : analyse du modèle ESS des JO Paris 2024
Table ronde réunissant Elisa Yavchitz, directrice des Canaux,
Sylvère Chamoin, en charge des achats responsables de Paris 2024 et
Laëtitia Habchi, responsable de la division Lien social à l’AFD (Agence Française de développement).
Juliette Fèvre, Chargée de mission "Social business" pour la Chaire ETI
Jean-Luc Perron, vice-président du Centre Yunus Paris, ancien délégué général de la Fondation Grameen Crédit Agricole (2008-2016).
L’idée d’impliquer le Crédit Agricole dans l’activité de micro-crédit vient d’un congrès international des banques agricoles organisé en 2005 à Addis-Abeba. La structure qui nous a accueillis sur place était l’association éthiopienne des institutions de micro-crédit. Fortement interpellés par cet événement, Jean-Luc Perron a décidé d’étudier le montage d’une opération de micro-crédit, au départ en Ethiopie. Ce premier projet a été rejeté. L’idée est revenue sur la table à l’occasion d’une rencontre avec le Professeur Yunus lors d’un petit déjeuner organisé par la Banque de France. Jean-Luc Perron a alors obtenu l’accord de son DG pour créer un groupe de travail et réfléchir à la création d’une Fondation destinée à accompagner le micro-crédit dans les pays en développement. Suite à un voyage au Bangladesh pendant lequel Jean-Luc Perron et son DG ont à nouveau rencontré le professeur Yunus, ils ont créé en 2008 la Grameen Crédit Agricole en partenariat avec Grameen Trust. Cette structure a un statut de Fondation d’intérêt général, enregistrée au Luxembourg.
Cette Fondation fonctionne comme un « social business », qui a comme contrainte de couvrir les coûts et les risques liés à son activité mais sans distribuer de dividendes, si elle réalise un surplus. Elle a été dotée d’un apport de 50 millions d’euros de la part du Crédit Agricole.
L’activité de la Fondation a deux composantes :
-
Le prêt à des organismes de micro-crédit labellisés par leurs soins et installés dans des pays pauvres (Afrique sub-saharienne, Asie, Moyen Orient) : entre 130 et 150 opérations environ
-
L’investissement en capital-risque dans des entreprises de social business dans les mêmes pays : 12 à 14 projets au total
Il faut préciser que cette initiative a été prise indépendamment de la Direction RSE du groupe. Mais le Groupe dans son ensemble et cette Direction en particulier en tirent une réelle fierté. Le successeur de Jean-Luc Perron comme délégué général de la Fondation a beaucoup évangélisé les dirigeants du Crédit Agricole et il a en plus l’avantage d’être aussi Directeur du Développement durable du Groupe. La communication entre la Fondation et la politique RSE du Groupe est ainsi bien mieux établie.
Congrès qui a réuni sur trois jours 180 délégués de tous les pays, dont 60 du Crédit agricole
Le micro-crédit est dans l’ADN du Crédit Agricole : les caisses locales du Crédit Agricole ont été créées dans les années 1880 par des agriculteurs qui n’avaient pas accès au crédit bancaire classique
Le droit français rendait quasiment impossible l’obtention d’un statut de Fondation pour un organisme d’aide au crédit
L’activité de prêt est équilibrée (nous avons eu 3 défauts de paiement seulement sur l’ensemble des opérations). L’activité de capital risque est bien plus risquée (et déficitaire)
Est-il possible de développer du micro-crédit en France ? Il faut voir que le modèle économique du micro-crédit est très différent selon les pays. En France, il y a l’ADIE, structure créée par Maria Nowak, qui a été une disciple de Yunus. Dans les pays en développement, la logique est celle du chaluts (on ratisse très large), en France, c’est plutôt la logique de la pêche à la ligne, dans laquelle les actions d’accompagnement sont fondamentales.
Corinne Bazina Directrice Générale de Danone Communities
Le professeur Yunus, après le succès de la Grameen Bank, s’est posé la question de faire du social business avec des grands groupes internationaux. Danone, mais aussi d’autres grandes entreprises (Véolia, Intel…) ont joué le jeu et ont investi au Bangladesh. Danone a fondé la Grameen Danone Fund pour adresser les problèmes de malnutrition. Suite à cette opération, ils se sont rendu compte qu’il y avait de par le monde des entrepreneurs qui prenaient des initiatives pour résoudre des problèmes sociaux mais dans le cadre d’un modèle économique tenable. Ces entrepreneurs ont deux problèmes principaux :
-
L’accès au capital,
-
Un besoin de compétences pour grandir.
Danone Communities a été créé pour accompagner ces entrepreneurs. Ils se sont concentrés sur les métiers classiques de Danone (l’eau potable, la malnutrition) et accompagnent ainsi 15 entreprises qui touchent ensemble 10 millions de personnes par jour. Pourquoi l’avoir fait ? D’abord parce que c’est dans l’ADN de Danone. Ensuite parce que cela pouvait être un laboratoire fantastique en matière d’innovation. Ce dernier point a en fait été décevant, mais il y a eu un effet de bord inattendu : cette initiative a été un moteur fort pour l’engagement des salariés : ce sont aujourd’hui les premiers actionnaires de la SICAV qui supporte le Fonds ; et une centaine de salariés par an donnent de leur temps pour accompagner les entrepreneurs sociaux.
Danone Communities joue un rôle de fonds d’amorçage. Il n’y a pas encore beaucoup de structures sur le marché pour prendre le relais.
Juliette Fèvre, Chargée de mission "Social business" pour la Chaire ETI (Entrepreneuriat, Territoire, Innovation) - IAE Paris Sorbonne School
Télécharger le cahier de la chaire #3 “le social business pour changer le monde » :
https://chaire-eti.org/cahiers-de-la-chaire-3/
La chaire ETI a pour mission d’aider les entreprises face aux défis sociaux et environnementaux de ce siècle. Dans ce cadre, Juliette Fèvre a écrit un cahier sur le social business (un des partenaires de la chaire ETI est le professeur Yunus).
Le cahier est organisé en différents chapitres qui traitent chacun d’une thématique particulière. Chaque chapitre comprend trois parties
-
Une note de tendance : la compréhension du terrain, du contexte est essentielle pour la réussite
Association pour le Droit à l’Initiative Economique
Les 8 qui sont dans le domaine de l’eau potable vendent environ 10 % de ce que vend Danone
Les placements des salariés (intéressement, participation) sont plac6és dans une SICAV dont 90 % des fonds sont placés dans des fonds monétaires (sans risque) et 10 % dans les initiatives de social business
​
Jean-Luc Perron, vice-président du Centre Yunus Paris
Synthèse de la table ronde
Elisa Yavchitz, directrice des Canaux
Au fil des éditions, les Jeux sont devenus de moins en moins intéressants sur le plan économique pour les pays organisateurs. De plus, l’empreinte carbone de l’événement est de plus en plus montrée du
doigt. Résultat : le CIO a de plus en plus de difficultés à trouver des candidats. Lors du dernier tour de table (pour les Jeux de 2024 et ceux de 2028) il n’y avait que deux villes candidates : Paris et Los Angeles, la seule décision à prendre était celle de l’ordre de passage (qui en 2024 et qui en 2028 ?).
Après l’échec de 2012, la mairie de Paris avait décidé de déposer une nouvelle candidature, mais sur une base liée à l’économie sociale et solidaire (ESS). Avec une problématique forte : comment l’ESS pourrait-elle insuffler une nouvelle vie aux Jeux Olympiques ?
Pour ce faire, la candidature de Paris a reçu l’appui de Muhammad Yunus et du Centre Yunus de Paris et a été accompagnée par Les Canaux, association qui soutient les acteurs de l’économie solidaire et innovante, en France et à l’international.
Avec une question centrale : comment rendre concrète cette ambition ?
L’organisation des Jeux repose sur deux structures : une Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (SOLIDEO), établissement public présidé par Anne Hidalgo et qui a pour mission de construire les infrastructures (42 « objets », une grande majorité étant déjà en place) ; et le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJO) présidé par Tony Estanguet, chargé d’organiser les événements.
Le budget total de l’opération est de 7 milliards d’euros, dont 5 milliards en achats. L’objectif est d’avoir le plus de retombées possibles sur l’ESS et les TPE locales, ainsi qu’une empreinte environnementale minime.
Un travail important est effectué en amont pour préparer les grandes entreprises comme les structures de l’ESS à répondre conjointement aux appels d'offres (on est dans la mécanique des marchés publics). En 2 ans, 200 entreprises ESS ont remporté un marché, souvent en partenariat avec des entreprises plus « classiques ».
Sylvère Chamoin, en charge des achats responsables de Paris 2024 (COJO)
Le projet Paris 2024 est guidé par une vision : comment laisser un héritage positif sur le plan économique, social et environnemental, avant, pendant et après les Jeux ?
Le budget du COJO est de 3,9 milliards € dont 2,5 milliards consacrés aux achats. Le COJO s’occupe uniquement de l’événementiel.
L’action est guidée par 5 engagements :
-
Recours généralisé à l’économie circulaire
-
Objectif de neutralité carbone
-
Innovation sociale (insertion par l’activité économique)
-
Handicap
-
Création de valeur sur le territoire
Ces engagements se traduisent par 5 critères qui président au choix des prestataires et dont la pondération est choisie en fonction de l’achat effectué. Les réponses aux appels d'offres sont souvent faites par des groupements d’entreprises. Dans ces groupements, il y a environ 15 % des services qui sont fournis par des structures de l’ESS. Le COJO essaie d’être réaliste et de ne pas mettre la barre trop haut sur la dimension ESS, tout en étant extrêmement vigilants sur le respect des critères (suivi très précis des opérations de terrain).
Le COJO a élaboré deux plateforme ESS 2024 (information, « sourcing ») qui référence environ 4000 entreprises, et entreprises 2024 (accompagnement dans la réponse aux appels d’offres).
Avant la publication des marchés, ils font un travail d’information et d’accompagnement fort en amont.
20 % des 2,5 milliards d’euro de budget ont été engagés à la date d’aujourd’hui, qui impliquent 124 structures de l’ESS, majoritairement en second rang.
Exemple : PULSE, le siège social du COJO, installé en Seine Saint Denis, est le premier site olympique activé. 15 marchés ont été lancés pour faire tourner le bâtiment (maintenance, équipement, nettoyage…). Ce site fait travailler 20 personnes en insertion.
Laëtitia Habchi, responsable de la division Lien social à l’AFD (Agence Française de développement).
L’AFD est l’opérateur du gouvernement français pour l’aide publique au développement. La structure soutient 4000 projets répartis dans 115 pays.
L’objectif de l’AFD dans les JO 2024 est de mettre au grand jour le rôle que peut jouer le sport dans le développement social et économique d’un pays. Pour ce faire, l’AFD active des partenariats avec des grands partenaires (FIFA, NBA, Paris 2024…) et utilise également des leviers internes.
Pour Paris 2024 : l’AFD a lancé des appels à projets dans les pays du sud alliant sport et développement. Ils ont ainsi mis en sur pied un vaste programme d’incubation impliquant des athlètes et leur future reconversion (800 projets au total) : 24 ont été sélectionnés.
Discussion :
Quelle est la position du CIO par rapport à la démarche retenue par Paris ?
Premièrement : le positionnement « responsable » de la candidature de Paris a sans doute été un élément décisif dans le choix de Paris. En second lieu, le CIO est très exigeant (c’est lui qui finance les Jeux via les grands sponsors internationaux) et il est très attentif au fait que les engagements pris soient tenus. Le travail se fait en étroite relation avec lui. Son objectif est de changer le modèle des Jeux et de prendre appui sur l’expérience de Paris 2024 qui innove au moins sur deux points :
-
Paris 2024 externalise une partie des prestations vers les sites de compétition (appuie sur des compétences locales : Roland Garros, Stade de France…), ce qui ne s’est jamais fait auparavant
-
La stratégie responsable des achats
La question de la métrique : c’est facile de classer les dossiers de candidature en fonction du prix qu’ils proposent. Mais comment fait-on pour juger et classer ce qui est plus qualitatif (tout ce qui est relatif au développement durable et à l’inclusion sociale) ?
Il y a un dossier remis par les candidats où ils doivent se prononcer sur les 5 critères qui ont été retenus. Dans les faits, la différence entre les candidats ne se fait pas sur le prix, car dans le secteur de l’événementiel, les prix sont souvent très proches. La différence se fait notamment sur le volet « durabilité ». Concernant l’évaluation de la durabilité, une matrice des priorités est établie par catégorie d’achat ainsi que des indicateurs quantitatifs pour chacun des engagements. Pour toutes les prestations où il y a beaucoup d'humain, le critère numéro 3 (innovation sociale et environnement) est privilégié. Quand on s’intéresse à la signalétique événementielle, deux critères comptent plus que d’autres : l’économie circulaire (écoconception des produits) et l’insertion (pour installer la signalétique, il faut de la main d’œuvre). Et, in fine, est ce que cela coûte plus cher ? Non, si on anticipe et si on s’organise. C’est aussi une question de volonté : le projet doit être porté par la direction générale des entreprises concernées.
D’autres villes qui étaient sur la ligne de départ se sont désistées. Boston a reculé suite à un référendum local qui a révélé que la population, dans sa majorité, était défavorable à l’accueil des Jeux
Voir détails sur le site http://lescanaux.com/