Ingrid Feuerstein Correspondante à Londres
L'assemblée générale de BP ce jeudi sera l'occasion d'une nouvelle « rébellion verte » d'investisseurs qui souhaitent voter contre la réélection de son président, Helge Lund.
Faut-il sacrifier les ambitions climatiques pour assurer la sécurité énergétique ? La question, posée depuis le début de la guerre en Ukraine, va ressurgir lors de l'Assemblée générale de BP jeudi. Le géant pétrolier est la cible d'une fronde d'investisseurs membre de la coalition « Climate Action 100 + » qui milite pour que les entreprises fortement émettrices en CO2 s'engagent en faveur du climat.
Cinq des plus grands fonds de pension britanniques, représentant 244 milliards de livres d'actifs sous gestion, ont annoncé qu'ils voteraient contre la réélection du président du conseil de BP, Helge Lund, pour protester contre la révision des objectifs d'émissions annoncée en février. Cette « rébellion verte » associe l'un des principaux fonds de retraite britannique, Nest, avec le Brunel Pension Partnership, ainsi que les fonds Border to Coast et LGPS Central. Le groupe est également visé par une résolution présentée par l'ONG Follow This, à l'initiative du néerlandais Mark van Baal qui, depuis quelques années, joue les trouble-fêtes dans les AG des groupes parapétroliers. Des résolutions similaires seront débattues à l'AG de Shell prévue le 23 mai, ou chez Exxon et Chevron. Ces actionnaires reprochent plus précisément à BP d'avoir révisé ses objectifs climatiques, pourtant approuvés à 85 % lors de la dernière assemblée générale.
La compagnie britannique a indiqué en février qu'elle visait une baisse de ses émissions de 25 % à horizon 2030, au lieu de 40 %, comme elle l'avait initialement annoncé. En cause : les difficultés d'approvisionnement énergétique en Europe, qui vont exiger de soutenir les investissements dans le gaz et le pétrole. « Le monde a besoin d'une énergie qui soit sûre et abordable », a justifié à l'époque son PDG, Bernard Looney.
« Say on climate »
Cette fronde s'inscrit dans une tendance de la part des investisseurs à vouloir influer sur la stratégie climatique des entreprises, dans une logique de « Say on climate », similaire au « say on pay » qui s'était imposée il y a dix ans pour la rémunération des dirigeants.
Le cas de BP cette année paraît d'autant plus difficile à trancher que la révision des objectifs fait suite à la guerre en Ukraine et aux interrogations sur l'approvisionnement de l'Europe. Le fonds souverain norvégien, troisième actionnaire avec 3 % des titres, a indiqué qu'il ne voterait pas pour la résolution de Follow This. C'est d'ailleurs la recommandation des « proxy », ces agences qui conseillent les investisseurs sur les votes en assemblée générale.
Dans une note, Glass Lewis estime que la feuille de route exigée par Follow This « pourrait impacter de manière considérable la manière dont la compagnie opère et, par la force des choses, l'obliger à revoir à la baisse ses activités, ce qui ne bénéficierait pas à ses actionnaires. » La société ISS estime que l'abaissement des objectifs à 2030 « a été une déception pour certains actionnaires », mais reconnaît que la transition de BP est « multidimensionnelle et complexe. »
Reste à savoir de quel côté penchera le premier actionnaire de BP, BlackRock, qui détient 10 % des parts. En 2021, le fonds d'investissement avait voté en faveur de la résolution de Follow This afin d'envoyer un signal sur ses exigences en matière de transition énergétique.
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