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  • Photo du rédacteurThierry Bardy

Les entreprises doivent-elles craindre la justice environnementale ?

Paul BoutronValérie Lafarge-Sarkozy Si depuis la parution du livre d'Andreas Malm et la sortie du film « Sabotage » il ne fait plus aucun doute que les entreprises doivent prendre au sérieux l'activisme environnemental, qu'en est-il de la justice climatique ? Dans un contexte où de plus en plus de sociétés françaises sont en prise avec la notion de « tromperie climatique », le monde économique s'organise. Dans presque tous les secteurs, les entreprises sont soumises à une pression sociale, réglementaire et économique croissante pour contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et limiter l'impact environnemental de leurs activités. Au cours des dernières années, cette pression s'est peu à peu déplacée sur le terrain judiciaire à l'initiative des associations et ONG. Après la loi du 8 août 2016 ayant introduit dans le Code civil un régime de responsabilité spécifique pour réparer le « préjudice écologique », la France a été pionnière dans l'introduction du devoir de vigilance par la loi du 27 mars 2017, qui a depuis inspiré un projet de directive européenne. En 2019, c'est la loi Pacte qui est venue modifier la définition de la société donnée par le Code civil et a permis l'adoption de la « raison d'être ». Ce fut ensuite au tour de la loi du 22 août 2021 dite « climat et résilience » d'introduire la notion de « greenwashing ». L'introduction de ces nouvelles dispositions a entraîné une véritable explosion des contentieux à l'initiative d'associations. En France, les premières actions très exploitées médiatiquement ont d'abord visé l'Etat, notamment au travers de l'Affaire du siècle. Puis, une douzaine d'entreprises ont fait l'objet d'actions contentieuses ou précontentieuses fondées sur le devoir de vigilance. Aucun secteur ne semble épargné, ces actions visant tout autant des entreprises du secteur de l'énergie et des transports, que des secteurs de la banque et de l'assurance, de l'agroalimentaire, de la grande distribution ou des cosmétiques. Il est certain que les récentes évolutions législatives conduiront à intégrer l'enjeu climatique dans les rapports entre dirigeants et actionnaires. En effet, en ajoutant, tant dans la définition de la société que dans la définition des missions de ses dirigeants, la nécessité de prendre en compte les « enjeux environnementaux », la loi Pacte a assurément voulu que l'action des dirigeants soit désormais également examinée à la lumière de ces enjeux. L'action des dirigeants eux-mêmes est aujourd'hui de plus en plus scrutée par les associations et le marché, même si la mise en cause de la responsabilité des dirigeants par des tiers, soumise à un régime juridique strict, est difficilement envisageable en pratique. On constate néanmoins que certaines procédures semblent davantage viser l'attention médiatique que le succès judiciaire. La difficulté à caractériser in fine la responsabilité des dirigeants ne sera donc sans doute pas suffisante à décourager l'introduction d'actions similaires à celle ayant visé les administrateurs de Shell au Royaume-Uni. Or, quand bien même une action est infondée, une fois qu'elle est engagée, le mal est fait et l'image de l'entreprise ainsi que celle de ses dirigeants sont sévèrement abîmées. C'est pourquoi il est nécessaire pour les dirigeants d'anticiper ces risques. Une manière de le faire est d'établir une cartographie des risques environnementaux, au regard de l'activité spécifique de l'entreprise, à partir de laquelle seront définis un certain nombre d'attentes et d'objectifs clairs. Une diffusion large, voire une approbation de ces objectifs à l'issue d'une délibération, permettra au dirigeant de s'assurer qu'ils sont partagés. Afin de veiller à leur mise en oeuvre, il pourrait être utile d'assigner la supervision du sujet climatique à l'un des comités du conseil, comme le suggérait l'Institut français des administrateurs dans un rapport de 2019, actualisé en 2021. Si ces actions n'évite pas nécessairement des procédures dirigées contre l'entreprise ou ses dirigeants, elles permettront aux dirigeants de ne pas se trouver seuls face aux attentes croissantes de la société pour la prise en compte des enjeux climatiques.

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