Emmanuelle Auriol
Plus des trois quarts des émissions de CO2 sur la planète sont imputables à l'activité directe des entreprises, notamment celles du secteur de l'énergie. La lutte contre le réchauffement climatique passe donc nécessairement par les entreprises. Si, dans les années 1950, une entreprise se devait avant tout de faire des profits, elle doit aujourd'hui de surcroît faire preuve de responsabilité sociétale.
Pour s'assurer qu'elles prennent ces nouvelles missions au sérieux, elles sont soumises à des incitations, certaines réglementaires, d'autres financières et d'autres enfin morales. Les pouvoirs publics jouent un rôle clé dans ce processus : ils fixent le prix du carbone, idéalement selon le principe économique du pollueur-payeur, mais ils obligent également les entreprises à indiquer la consommation énergétique de leurs produits. Cela conduit les consommateurs à faire attention à ces caractéristiques au moment de leur achat. De même, les entreprises de plus de 500 salariés ont l'obligation de réaliser un bilan carbone public (« bilan GES »). Cette information permet de cristalliser l'attention des diverses parties sur leurs émissions de gaz à effet de serre.
De manière plus générale, les grandes entreprises se voient attribuer des notes qui visent à mesurer leur performance en matière environnementale, sociales et de gouvernance (ESG). Les études montrent que ces notations jouent un rôle croissant sur la capacité des entreprises à se financer et à recruter des salariés. Ainsi, les investissements durables mondiaux ont-ils été multipliés par onze depuis 2004 et dépassent désormais 35.000 milliards de dollars, selon le rapport 2020 « Global Sustainable Investment Review ». Cette augmentation constitue un véritable changement de stratégies d'investissement à l'échelle de la planète : la fraction du total des fonds orientée vers l'investissement socialement responsable est passée de 11 % en 2011 à plus de 35 % en 2020.
Les investisseurs et les banques perçoivent un risque réglementaire associé aux technologies polluantes et hésitent à les financer. Les entreprises vertueuses ont également plus de facilités à recruter des salariés, notamment les milléniaux qualifiés qui sont très sensibles aux questions climatiques. Cela leur permet d'offrir des rémunérations plus faibles (10 % de moins en moyenne) et de fidéliser leurs salariés. Sans surprise, les entreprises qui affichent un fort engagement ESG sont plus dynamiques, novatrices et finalement rentables que les autres. Se pose alors la question de l'évaluation de la responsabilité sociétale des entreprises.
La plupart des investisseurs et des chercheurs s'appuient sur les notations ESG fournies par les agences de notation, qui sont au nombre de six. Or, l'information qu'elles utilisent pour établir leurs notes varie considérablement d'un pays à l'autre, d'une industrie à l'autre et même d'une entreprise à l'autre. Par ailleurs, ces agences emploient des méthodes d'agrégation de l'information (plus de 500 critères sont pris en compte) qui ne sont pas identiques. L'absence de standardisation, tant dans l'information disponible que dans la manière de l'agréger, conduit à des notes d'ESG qui sont incohérentes.
A cela s'ajoutent les problèmes de capture par les entreprises qui nuisent encore plus à leur crédibilité. Ainsi, Volkswagen, BP ou encore Orpea avaient toutes des bonnes notes d'ESG juste avant d'être frappés par des scandales de tricherie, de négligence et de maltraitance. Il reste encore un gros travail de standardisation minimale pour rendre les notations ESG effectives.
Commentaires