Bastien Bouchaud
Les champions de la mode éphémère affichent des performances éclatantes en Bourse cette année. La montée en puissance de Shein pourrait toutefois leur faire de l'ombre.
La fast fashion séduit plus que jamais les investisseurs. Les champions du secteur avaient souffert de la perte du marché russe due à la guerre en Ukraine et à l'impact de la politique chinoise du « zéro Covid » sur les chaînes d'approvisionnement. Ils tirent désormais les fruits de leur capacité d'adaptation avec des profits en forte hausse cette année.
Le suédois H&M affiche la plus forte progression en Bourse parmi les grands noms de la mode éphémère. Son cours s'est envolé de près de 55 % cette année, ce qui en a fait la locomotive de la Bourse de Stockholm. Il faut dire qu'il avait particulièrement souffert l'an dernier de la hausse des coûts des matières premières. La chute de ses marges avait fait fuir les investisseurs, mais leur amélioration constante au cours de cette année a permis de les rassurer. Sur les neuf premiers mois de l'année, ses profits opérationnels ont bondi de 61 % à plus de 10 milliards de couronnes (près de 900 millions d'euros).
Profits en forte hausse
Le japonais Fast Retailing, la maison mère d'Uniqlo, évolue également à son plus haut niveau boursier, après avoir gagné plus de 40 % à Tokyo cette année. Uniqlo réalise désormais plus de la moitié de ses ventes à l'international, et a profité cette année de la dépréciation du yen. Le groupe, très présent en Chine, a également bénéficié du rebond de la consommation dans le pays après la fin des confinements, ce qui lui a permis d'enregistrer des profits opérationnels records de plus de 380 milliards de yens (2,3 milliards d'euros) sur son année fiscale close en août. Uniqlo « est entré dans une nouvelle phase de croissance et continue d'étendre sa base de clients », s'est félicité Takeshi Okazaki, le directeur financier du groupe.
Le leader du secteur, l'espagnol Inditex, qui détient notamment Zara, a pour sa part établi un nouveau record à la Bourse de Madrid vendredi. Il a grimpé de près de 50 % depuis le début de l'année, tiré par « un cercle vertueux de gains de parts de marché à des niveaux de marge remarquables », estime Geoffroy de Mendez de Bank of America. Avec des profits nets en hausse de 40 % à 2,5 milliards d'euros au premier semestre, Inditex affiche un trésor de guerre de plus de 10 milliards d'euros.
Respect de l'environnement
Le groupe espagnol est le mieux placé pour résister au rouleau compresseur Shein, selon les analystes d'UBS. Ils mettent notamment en avant la popularité croissante de Zara sur les réseaux sociaux. La marque phare d'Inditex a largement dépassé H&M en nombre d'abonnés sur Instagram, et rattrape rapidement son retard face à Shein sur TikTok, deux canaux de plus en plus essentiels pour toucher les nouvelles générations de clients.
La concurrence du groupe chinois représente la principale menace pour les grandes enseignes de la fast fashion. Shein dispose notamment d'une longueur d'avance sur l'utilisation de l'intelligence artificielle pour capter l'émergence des dernières modes et développer de nouveaux modèles. Pour se démarquer, alors qu'il leur est difficile de lui faire concurrence sur les prix de ventes, H&M et Inditex ont parié sur la montée en gamme avec leurs marques respectives COS et Massimo Dutti.
La montée en puissance de « Shein pourrait bien être en train de modifier l'équilibre de la mode éphémère », selon Pierre-Yves Gauthier d'AlphaValue. Pour tirer leur épingle du jeu, les pionniers de la fast fashion peuvent jouer sur leur plus grand respect de l'environnement et des normes sociales chez leurs fournisseurs, ce qui a forcément un coût. Mais pour garder les investisseurs sous le charme, les grandes enseignes devront trouver le moyen de protéger leurs parts de marché tout en maintenant leurs marges, un exercice toujours compliqué. « L'industrie européenne doit se préparer à une tempête », met en garde l'analyste
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